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May 01st
Un duo Piazzolla sans Piazzolla Imprimer Envoyer
Opinion
Écrit par Pierre Lauzon   
Dimanche, 31 Octobre 2010

Samedi soir dernier, le dernier d’octobre, les Diffusions Amal’Gamme nous conviaient à un spectacle « Rythmes et couleurs » avec le Duo Piazzolla dans la salle de l’église Saint-François-Xavier de Prévost. Selon le programme de cette année de notre diffuseur laurentien, ce duo nous conviait à un voyage merveilleux à travers les pays et les cultures. « Vous serez emportés par les rythmes du tango argentin et les couleurs envoûtantes du Moyen-Orient, ensorcelés par l’âme espagnole, dépaysés par un chant japonais… » nous informait de plus le texte d’invitation. C’était donc tout un programme musical très stimulant et prometteur.

Le Duo Piazzolla a été formé en 1996 par deux anciens camarades de classe du Conservatoire de musique de Montréal, Isabelle Héroux et Patrick Healey. Ces deux musiciens ne sont pas les derniers venus dans leur domaine. Tous les deux ont une feuille de route très impressionnante, tant par leurs prestations un peu partout à travers le monde, les nombreuses critiques élogieuses que les multiples prix ou nominations qu’ils ont remportés ici et ailleurs pour souligner la hauteur de leur talent.

Isabelle Héroux est guitariste, d’une très grande virtuosité. Elle est détentrice d’un doctorat en musique. En plus de se produire seule, en duo et avec orchestre, d’endisquer plusieurs œuvres, de publier différents articles pour des revues spécialisées en guitare et un ouvrage majeur sur le jeu de la guitare classique, elle enseigne la guitare et la pédagogie instrumentale à l’université. C’est donc à une musicienne de haut niveau que nous avons affaire.

Patrick Healey est flûtiste et piccoliste. Il détient même un doctorat en interprétation au piccolo, ce qui doit être assez rare au monde. Depuis 2002, il joue avec l’Orchestre du Centre National d’Ottawa. Il joue aussi régulièrement avec l’Orchestre Symphonique de Québec et celui de Montréal, ainsi que l’Orchestre Métropolitain du Grand Montréal. Lui aussi, il s’est déjà produit un peu partout et a endisqué avec le Duo Piazzolla, ainsi que l’Ensemble En-le-vent qu’il a aussi fondé. C’est donc à un musicien de haut niveau que nous avons affaire.

À Prévost, en cette fin d’octobre, alors que la première vraie neige de l’hiver à venir nous rendait visite, ce fut vraiment la rencontre chaleureuse avec deux artistes exceptionnels qui maîtrisent parfaitement leur instrument respectif. Isabelle Héroux, très à l’aise sur scène, fut tout au cours de la soirée la présentatrice des œuvres au programme, question de réchauffer ainsi la gorge de Patrick Healey entre les interprétations, la presque totalité interprétées à la flûte traversière. Madame Héroux sait mettre le public de son côté par les explications qu’elles nous donnent et par son sens fin de l’humour.

Les œuvres au programme étaient très variées. Toutes étaient interprétées avec finesse et grand art. Plusieurs d’entre elles n’ont pas été composées au départ pour une guitare et une flûte. Toutefois, à chaque fois, Isabelle Héroux et Patrick Healey ont su nous les présenter avec beaucoup de virtuosité. La composition, entre autres, du japonais Michio Miyagi était sûrement à la hauteur de l’œuvre initiale. Que de talent!

Là où je suis sorti un peu déçu de cette soirée, c’est qu’il manquait un ingrédient important à ce menu musical. Si on m’invite à un repas Terre et mer, je m’attends à ce qu’il y ait, entre autres, du poisson ou des fruits de mer à manger. Même si le repas relève d’un très grand chef et que je n’ai rien à lui reprocher, tellement c’était succulent, savoureux, je sortirais de ce repas déçu de la partie manquante du repas. Si on m’invite à un spectacle d’un ensemble quelconque qui se prénomme Chopin, Mozart ou autre, je m’attends donc à ce qu’il y ait au moins une ou quelques œuvres de Chopin, Mozart…

Samedi soir, Astor Piazzolla était absent de la programmation. Ce bandonéoniste et compositeur argentin, décédé en 1992, n’était présent que par le nom du duo. Quand on m’annonçait du tango argentin, évidemment je m’attendais à ce que ce soit une œuvre de Piazzolla. Il n’en fut rien. In extremis, j’ai espéré que, lors du rappel demandé par le public, Piazzolla vienne nous saluer en tombée de rideau. Pas du tout. Pourtant, le site internet du duo nous indique que ce très grand compositeur argentin, dont il porte fièrement le nom, est habituellement au programme des différents spectacles qu’ils nous offrent. Pourquoi ce ne fut pas le cas à Prévost? Ce n’est sûrement pas la petite neige qui a fait fuir cet argentin.

Ce sera sûrement pour une prochaine fois. Comme quoi, le talent ne suffit pas. Les attentes du public pèsent aussi dans la balance.

Pierre Lauzon       
Les éditions Pommamour