L’arrivée de l’été nous apporte sa récolte théâtrale annuelle. Dans les Laurentides, l’offre de pièces de théâtre est plus grande qu’en tout autre temps de l’année. Certaines productions ont de bons budgets de promotion pour attirer notre attention et nous inciter à profiter de cette belle saison pour nous divertir culturellement. D’autres ont des moyens plus modestes. Ce n’est nullement la hauteur de ces budgets qui est garante de la qualité des œuvres présentées, comme nous avons déjà pu le constater dans le passé.

À Blainville, il y a une toute petite compagnie qui, année après année, sait se démarquer du rang par la qualité, l’intelligence et l’innovation de ses créations. C’est le Petit Théâtre du Nord. Ayant remporté le prix réalisation théâtrale des Grands prix de la culture des Laurentides pour 2009, cette troupe de quatre comédiens déjà très chevronnés récidive cette année en nous présentant Mélodie Dépanneur à la salle du Centre communautaire de Blainville, une œuvre où les ingrédients de base sont encore et toujours au rendez-vous.

L’été dernier, je vous avais dit tout le plaisir que j’avais eu à la présentation de Sac à sacs parce que j’avais fait le constat que, non seulement le rire et l’intelligence pouvaient nourrir notre théâtre d’été, mais aussi parce que l’innovation apportait un vent de fraîcheur sur nos productions annuelles. Encore cette année, ces trois éléments sont réunis pour un été très prometteur. Ici, nous sortons du carcan trop souvent utilisé du mari cocu ou de la femme trompée avec l’amant ou l’amante caché dans un placard et où les chassés-croisés sont la règle toute simple.

Ce n’est nullement le cas pour le Petit Théâtre du Nord. À chaque année, Luc Bourgeois, Louise Cardinal, Sébastien Gauthier et Mélanie Saint-Laurent nous offrent toujours une œuvre de création québécoise, ce qui est déjà tout un exploit. Depuis 1998, ces quatre comédiens ont toujours misé sur l’innovation, ont toujours cherché à sortir des sentiers battus pour nous offrir du théâtre de qualité qui respecte l’intelligence de notre peuple, alors qu’il est tellement facile de tomber dans le bas de gamme pour faire plus accrocheur.

Mélodie Dépanneur, la création de cette année, est l’œuvre de Mathieu Gosselin, un auteur à la feuille de route de plus en plus impressionnante, dans une mise en scène de Benoît Vermeulen, tout aussi talentueux et qui est artiste associé au directeur artistique Wajdi Mouawad en tant que responsable, depuis 2007, de la section enfance-jeunesse du Théâtre français du Centre national des Arts à Ottawa. Ce sont donc tous des professionnels qui ont à cœur d’enrichir notre création théâtrale québécoise, ici et ailleurs.

Paul, autour de qui tourne ce scénario inédit, hérite du dépanneur familial suite au décès de son père. Mélodie était le nom de sa mère également déjà décédée. Cela n’a jamais été dans ses projets de vie d’exploiter un commerce comme celui de son père. Alors, quand il revient dans son petit patelin, il n’a qu’une seule idée : liquider ce dépanneur et retourner très rapidement à sa vie qui est ailleurs depuis longtemps. Si ce dépanneur n’est nullement sa vie et son avenir pour lui, il en est tout autrement pour trois habitants de Saint-Claude-Mystique qui n’acceptent pas du tout cette fermeture.

Kangourou, le client assidu du réfrigérateur à bière, en a fait depuis longtemps un de ses lieux de prédilection, d’autant plus qu’il habite en haut du dépanneur. Les sœurs jumelles, Poupée et Princesse, ne sont pas en reste. Elles étaient très attachées non seulement au dépanneur du tout petit village, mais aussi à son propriétaire qui leur faisait part régulièrement de ses états d’âme et de sa philosophie de vie.

Dans un décor hautement original de Nathalie Trépanier, les quatre piliers du Petit Théâtre du Nord nous offrent tous les quatre une grande performance. Luc Bourgeois, dans son rôle de Paul, est constant de justesse du début à la fin dans ce qui lui apparaît un cauchemar de tous les instants. Sébastien Gauthier campe un Kangourou hautement coloré et acrobatique. Louise Cardinal et Mélanie Saint-Laurent sont méconnaissables et très délirantes dans leur rôle des sœurs jumelles. Même si ce n’était que la première, il fallait voir celles-ci enchaîner leur texte, souvent simultané, avec précision et entrain. Même les petites tounes qui parsèment ici et là cette pièce d’une heure cinquante apportent une autre dimension dans le rire et le délire.

Si vous n’avez qu’une seule pièce de théâtre, un seul spectacle à voir cet été, n’hésitez pas! Réservez immédiatement votre place pour être un des heureux québécois qui vivront cette douce folie de chez-nous! Vous ne le regretterez pas! Car le Petit Théâtre du Nord, c’est beaucoup plus qu’un dépanneur pour combler un vide dans notre saison estivale. C’est un cadeau à s’offrir.

Pierre Lauzon       
Les éditions Pommamour  

http://www.petittheatredunord.com