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La justice antidémocratique Imprimer Envoyer
Johnny Marre
Lundi, 16 Avril 2012

Ce n’est pas d’aujourd’hui que la justice vient pervertir la démocratie. L’histoire de notre Humanité est pleine de ces accrocs à la démocratie. Depuis la nuit des temps, au nom d’une supposée justice, celle divine ou celle des hommes, on n’a pas hésité à détourner le cours de la démocratie pour arriver à nos fins. Nous n’avons à penser qu’à tous ces innocents qui ont été condamnés à mort ou à ces assassins jugés non coupables, à toutes ces lois votées démocratiquement, mais hautement charcutées par des juges, à toutes ces normes administratives qui vont à l’encontre de la volonté populaire. Malgré nos révoltes intérieures, la justice continue de s’imposer, comme si elle était la vérité suprême. Quand un juge, peu importe la cour à laquelle il appartient, dit que c’est blanc, il faudrait s’incliner devant cette supposée sagesse et entonner le chant de la blancheur avec lui. Si un autre juge dit le contraire, il faut changer immédiatement notre chant commun, sinon il y a risque d’outrage au tribunal. Car ces gens ont l’épiderme fragile et l’outrage facile! Mais, en fait, qui sont ces gens, sinon des humains comme nous tous, qui jugent à partir de leurs connaissances juridiques, mais aussi de leurs préjugés, de leurs sentiments, de leurs perceptions. La justice réellement objective, cela n’existe pas. Du moins, je ne l’ai jamais rencontrée.

La plupart du temps, la justice, tout comme ses officiers que sont les juges, cherche à se faire la plus discrète possible. Elle n’aime pas les feux de la rampe, comme on dit. Elle sait qu’elle est loin d’être parfaite, parce qu’elle est avant tout humaine avec toutes ses qualités, mais aussi avec tous ses travers. Quand elle est trop sous les réflecteurs, cela l’agace parce que ses travers ou ses incohérences, sans parler de ses limites, risquent d’être mis en évidence.

Quand je demeurais à Oka et que je combattais avec beaucoup d’autres la venue d’une mine de niobium au beau milieu de terres agricoles très fertiles, la compagnie minière n’avait rien à cirer de la démocratie locale qui avait rejeté son projet minier, tout comme d’ailleurs le conseil municipal et son maire de l’époque. Autant ces élus ou ces administrateurs miniers ont cherché dès les premières démarches à se réfugier derrière une loi des mines archaïques, des normes administratives inappropriées, des autorisations antidémocratiques. Cette compagnie minière (qui n’a toujours pas renoncé à son projet après plus de quinze ans de démarches légales et administratives!) a toujours fait fi de la volonté clairement exprimée de la population concernée par référendum, et a toujours trouver refuge auprès des tribunaux. Ce qui importe pour elle, c’est que la justice, sa justice triomphe, pas la démocratie. Même si cela pervertit la démocratie. Pis après?

En ce moment, dans le conflit qui oppose le gouvernement et les étudiants, faute d’avoir réussi vraiment à les avoir à l’usure par une propagande tendancieuse, nos élus et leurs fidèles valets administratifs cherchent maintenant par tous les moyens à judiciariser la démocratie étudiante. On commence par jouer sur les mots. La ministre (qui dérape de plus en plus au point de prendre le champ, mais pas le plus beau!) n’hésite pas à prétendre que ce n’est pas une grève que font les étudiants, mais plutôt un boycott de leurs cours. Quelle belle leçon de sémantique! Toutefois, ce détournement de sens est hautement vicieux. Quand un travailleur, peu importe son métier ou sa profession, décide de cesser de faire le travail qu’on attend de lui, il est très clair qu’il fait donc la grève. Il ne boycotte pas son travail. Le travail d’un étudiant n’est-il pas de fréquenter les cours inscrits à son cheminement scolaire? S’il refuse de le faire, pourquoi, dans son cas, cela devient un boycott plutôt qu’une grève?

D’autre part, sauf démonstration du contraire, tous ces votes de grèves ont été obtenus démocratiquement. Alors, quand un étudiant fait appel à un juge parce que son droit à l’éducation est brimé et que ce juge lui donne sa bénédiction pour que l’accès à ses cours soit libéré, il y a une haute perversion de la démocratie. Trouverions-nous acceptable qu’un travailleur d’usine ou un enseignant fasse appel à un tribunal parce que le vote de grève obtenue selon les normes brime le droit de ce travailleur ou de cet enseignant de livrer le travail qu’on attend de lui et le prive de revenus pour nourrir les siens. C’est tellement peu envisageable dans notre société qu’on a voté une loi anti-scab à cet effet. Alors, pourquoi est-ce plus acceptable quand il s’agit d’un étudiant ou d’un administrateur qui nous joue faussement du violon en se réclamant du droit à l’éducation ou de l’obligation de livrer la marchandise ou les cours?

Ce que notre société a besoin actuellement, ce n’est pas de judiciariser davantage notre démocratie, mais plutôt d’ouvrir vraiment le dialogue et non du bout des lèvres. Les peinturés dans le coin, l’orgueil des élus, les égos personnels doivent faire place à l’ouverture, à la recherche de solutions à court et à long terme. Personnellement, je crois que la seule solution à moyen et à long terme est la gratuité scolaire. De la maternelle à l’université, tout Québécois a le droit à la gratuité scolaire, peu importe sa fortune personnelle ou familiale. Toutefois, après l’obtention d’un diplôme universitaire, tout étudiant se devrait de rembourser une partie de ses études universitaires selon un barème ou un pourcentage établi en fonction de ce diplôme. Ainsi, un diplôme en médecine exigerait un remboursement plus élevé que dans le cas d’un diplôme en travail social. L’idée est de payer après l’obtention du diplôme et non avant. La perspective est totalement inversée.

Mais, peu importe la solution, c’est dans l’ouverture véritable, dans le dialogue franc et honnête, madame la ministre, que se trouve la solution, et non pas dans les mains de juges supposément remplis de sagesse. S’ils avaient cette sagesse, ils n’émettraient pas ces injonctions. Soyez démocratique avant tout, madame la ministre! Fuyez les faux prétextes! Un cul-de-sac ou l’usure n’est jamais une solution d’avenir.

Johnny Marre