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Et il faudrait cesser de s'indigner…??? Imprimer Envoyer
Johnny Marre
Lundi, 09 Janvier 2012

Le 3 janvier dernier, alors que l’écho de nos vœux de bonne et heureuse année ne s’était pas encore estompé, les médias nationaux, qui revenaient au boulot, se sont fait l’écho de notre réalité de tous les jours. Si l’année 2011 a été qualifiée de l’année des indignés, dès le 3 janvier, ces médias nous rappelaient que ce n’était pas parce que nous avions changé d’année que l’indignation était dorénavant un événement du passé.

Deux événements québécois et canadiens, deux réalités bien de chez nous viennent nous rappeler que l’indignation, ce n’est pas l’apanage de pays arabes, de pays en quête seulement de démocratie (comme si nous, nous étions vraiment dans un pays démocratique!), de pays au bord de la faillite ou de pays dits émergents. Premièrement, des travailleurs de l’aluminerie Rio Tinto Alcan d’Alma ont décidé, au lendemain de Noël, de se faire un cadeau et de se tenir debout devant une multinationale qui n’a que les menaces et le chantage pour sabrer dans les conditions de leurs travailleurs. Résultat : Rio Tinto Alcan a mis ses 780 employés dehors en utilisant une armée d’agents de sécurité, dès la fin du Bye Bye. Dans un tel contexte, nous aurions été en droit de nous attendre à ce que l’aluminerie d’Alma cesse complètement ses activités jusqu’au dénouement de ce nouveau conflit de travail. Bien non! Tout comme Québécor a réussi à continuer la publication du Journal de Montréal pendant plus de deux ans, comme rien n’était, grâce à la complicité de ses cadres, de ses pigistes et de ses chroniqueurs, Rio Tinto ne peut maintenir la même cadence, mais cette multinationale n’en continue pas moins une certaine production. Grâce à qui? À ses 224 cadres.

Si on est sérieux deux minutes, est-ce vraiment logique qu’une compagnie, aussi multinationale soit-elle, ait 224 cadres pour 780 travailleurs, soit un ratio d’un cadre pour moins de quatre employés. Si certains peuvent se permettre d’avoir des cadres, des pigistes et des chroniqueurs pour faire rouler quand même leur entreprise en cas de conflit de travail, est-ce à dire qu’il est tout aussi valable d’avoir un ratio aussi disproportionné de cadres pour permettre à son entreprise de continuer un minimum d’opérations, même si les vrais travailleurs sont dehors au grand froid patronal qui a les moyens d’avoir toutes les injonctions pour travailler en paix?

La logique ne serait-elle pas que si les vrais travailleurs d’une usine ou d’une entreprise sont absents par lock-out ou par grève, l’entreprise ne peut continuer ses opérations, tant et aussi longtemps que les deux parties n’ont pas trouvé un terrain d’entente? Et il faudrait cesser de s’indigner?

Deuxième événement : les dernières études révèlent que les revenus des dirigeants d’entreprises canadiennes (non, non, pas les cheiks arabes ou les Bill Gates de ce monde!) sont 189 fois plus élevés que le salaire moyen au Canada. C’est beaucoup d’argent! Si on regarde cela d’un peu plus près au Québec, saviez-vous qu’en 2011, le salaire moyen du travailleur québécois était de 811,35$ par semaine, soit 42 190,20$ par année? Le pdg québécois qui gagne le plus est Marc Tellier de Yellow Media. Son salaire a été de 8 939 474$, soit 212 fois le salaire moyen du travailleur de chez nous. Yellow Media, c’est, en français, le Groupe Pages Jaunes. Sous la direction de monsieur Tellier, cette entreprise a vendu récemment le site d’annonces classées, LesPAC.com, pour plusieurs, plusieurs millions de dollars. Cela a permis à Yellow Media de rembourser une partie de sa dette de 2,2 milliards de dollars. En novembre, le titre de l’entreprise avait déjà perdu 94,5% de sa valeur à la Bourse de Toronto depuis le début de l’année. Et c’est ce monsieur Tellier qui est le mieux payé de tous les chefs d’entreprises québécoises?

À l’échelle canadienne, c’est encore pire. C’est le pdg de Magna International qui a été le mieux payé avec un revenu annuel de 61,8 millions de dollars, soit 1465 fois le revenu moyen du travailleur québécois. Qui est Magna International? C’est une entreprise canadienne spécialisée dans l’équipement automobile et donc, sous-traitant pour de nombreux constructeurs automobiles, cela va de soi. Il serait très intéressant de connaître le salaire des travailleurs (pas les cadres, évidemment!) de cette entreprise. Et vous vous demandez après cela pourquoi votre automobile ou les changements de pièces de votre « bazou » vous coûte aussi cher?

Est-ce normal, comme j’en ai déjà fait mention récemment dans une chronique précédente, qu’un individu, aussi talentueux et génial soit-il, puisse gagner autant de fois plus que le travailleur moyen, que ce soit dans le sport, dans un échelon ou autre d’une entreprise multinationale ou non? Trouverions-nous normal que nos dirigeants politiques aient un tel revenu? Sûrement pas! Pourtant, leurs responsabilités sont drôlement plus élevées et plus porteuses de conséquences? Et il faudrait cesser de s’indigner?

Malheureusement non! L’indignation ne peut se permettre de prendre des vacances ou sa retraite. Si elle a eu un sursaut d’énergie en 2011, il serait très malheureux qu’elle retourne dans sa tanière en 2012. Ce ne sont pas les tentatives de l’endormir qui manquent. Sans elle, aucun changement n’est possible. Alors alimentons-la et surtout participons activement à poser des petits gestes quotidiens pour que cet irrespect de l’humain cesse.

Johnny Marre