Mot de passe oublié ?
Member Area

La15Nord.com

Thursday
May 01st
Ces phrases insidieuses Imprimer Envoyer
Johnny Marre
Lundi, 12 Décembre 2011

Le principe même de la publicité veut qu’à force de répéter un message, il finit par s’incruster dans le cerveau des gens et influencer leurs choix futurs, autant comme consommateurs que comme citoyens. Ce principe est utilisé non seulement en publicité, mais aussi par mille et un acteurs de notre vie personnelle et collective, dont les politiciens et les médias. Examinons-en quelques-uns qui sont loin d’être des modèles de grandes vérités, comme toute bonne pub d’ailleurs.

Le gouvernement a été élu pour cela.
La démocratie se définit par la gouvernance d’une société en fonction du choix majoritaire des citoyens pour le mieux-être collectif. Dans notre société faussement démocratique, nous nous retrouvons presque toujours avec un gouvernement, tant au provincial qu’au fédéral, qui gère nos destinées avec une minorité des voix des électeurs. C’est ainsi que, même si Stephan Harper n’a pas été le choix de la majorité des électeurs le 2 mai dernier, c’est lui qui prend présentement toutes les décisions concernant l’avenir du Canada. Même si Jean Charest n’a pas été le choix majoritaire des électeurs en décembre 2008, c’est lui qui garde fermement les mains sur le volant et décide où la société québécoise doit aller. Certains prétendront que c’est normal puisqu’ils ont été élus pour cela. Légalement, oui. Légitimement et en tout respect pour la notion même de la démocratie, pas du tout. Ce qui est le plus déprimant, c’est qu’aucun parti n’a un projet de haute démocratisation de notre société dans son programme. Malgré tout, collectivement, nous trouvons cela normal alors que ce ne l’est pas, ou nous sommes tout simplement résignés.

Les vieux vont nous coûter cher.
Il est de bon ton, chez certains politiciens ou observateurs de tout acabit de l’avenir de notre société, de peindre cet avenir en sombre. La fausse épée de Damoclès que l’on s’amuse à brandir au-dessus de nos têtes et surtout de celles de nos enfants et de nos petits-enfants, c’est que l’horrible cohue des baby-boomers qui se fait de plus en plus vieillissante va faire exploser littéralement nos coûts de santé dans un avenir pas si lointain. À première vue, cela semble d’une logique irréfutable, alors que la réalité est tout autre. Claude Castonguay, le père de l’assurance-santé au Québec, déclarait, avec son groupe de travail sur le financement du système de santé, en 2008, que « le vieillissement n’est pas la principale cause de la croissance des coûts dans le secteur de la santé ». Pour sa part, le Comité consultatif sur l’économie et les finances publiques, en 2010, concluait que l’augmentation des coûts de santé « depuis 10 ans provient principalement de la croissance des dépenses en médicaments (11,6%), des immobilisations (8,7%) et de la rémunération des médecins (5,5%) ». De plus, il est hautement reconnu que c’est une minorité de personnes âgées qui ne sont pas en bonne santé et qui doivent être hébergées en CHSLD. Avec cette logique largement répandue, ce ne sont pas pour nos petits-enfants que nous devons nous inquiéter économiquement, mais plutôt pour leurs propres petits-enfants à eux, car les Émile, Ève, Frédérik ou Sarah de notre monde ont de très fortes chances de devenir des centenaires!

Les Québécois appuient massivement François Legault.
Récemment, Le Devoir (qui n’est quand même pas une feuille de chou ou qui ne pratique pas du journalisme de second ordre!) titrait, suite à un sondage, que Les Québécois appuyaient massivement François Legault. Pourtant, ce nouveau sauveur tant recherché ne récoltait qu’autour de 35% des intentions de vote. C’est donc dire que ce n’était nullement le choix d’environ 65% de ce groupe de sondés. Alors que vient faire le mot « massivement » dans cette manchette? Car, avec cette même logique, s’il y a 40% des sondés qui appuient la souveraineté du Québec, allons-nous dire que les Québécois appuient massivement la souveraineté? Pourtant, ce que nous entendons et ce que nous lisons depuis plusieurs années, c’est plutôt que la souveraineté plafonne à 40%. Il faut reconnaître toutefois qu’un François Legault n’a besoin que d’un 35% pour gouverner, alors qu’il faut 50% plus un (beaucoup plus exigent certains!) pour que le Québec fasse partie du concert des nations de ce monde. Allô, la démocratie et le message subliminal!!!

L’espace me manque, n’est-ce pas monsieur Bou?, pour allonger cette liste de phrases insidieuses comme : Les baby-boomers ont vidé la caisse et feront payer leurs dégâts par leurs enfants et petits-enfants, La souveraineté n’est plus au cœur des priorités, Les musulmans sont tous des terroristes en puissance, Les gais sont des tapettes, Les B.S. sont trop paresseux pour se chercher du travail, Les fonctionnaires sont les plus grands parasites de notre société, Les immigrés viennent voler nos jobs et nous angliciser, Alouette…

Ces petites phrases insidieuses font leurs œuvres dans nos cerveaux, tout comme les slogans répétitifs du monde publicitaire. Ce qui importe, c’est que nous gardions notre esprit critique, notre capacité de voir clair dans ces jeux de manipulation de notre jugement collectif, notre pouvoir de nous indigner quand on tente, même très subtilement, de nous prendre pour des valises. La plus grande liberté n’est-elle pas d’être un libre penseur?

Johnny Marre