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Le non-dit de la politique Imprimer Envoyer
Johnny Marre
Lundi, 29 Novembre 2010

La population du Québec semble sortir actuellement d’une longue hibernation politique. Nous avons tous entendu parler de la triste période de la grande noirceur, celle de Maurice Duplessis. Nous savons tous qu’en cette période peu glorieuse de l’histoire du Québec, il était possible d’acheter des votes en promettant un réfrigérateur ou un bout de route asphaltée. À cette époque qui nous semble si lointaine, les fonctionnaires de l’État avaient tout intérêt à voter du bon bord, c’est-à-dire pour le parti au pouvoir, sinon c’était la perte automatique d’emploi, sans assurance-emploi, avec la venue d’un nouveau gouvernement. C’était l’époque de « Je te gratte le dos, donc gratte-moi le mien! ».

Aujourd’hui, plus de cinquante ans plus tard, à cause d’une certaine Révolution tranquille et du passage d’un René Lévesque, symbole de l’intégrité, les Québécois et Québécoises sont tout surpris de se réveiller en 2010 et de constater que c’est aussi pire, sinon plus, que dans le temps de Duplessis. Mes concitoyens et concitoyennes du Québec ont semblé croire que des pratiques à la Duplessis, cela n’existait plus dans la société moderne que nous sommes devenus. Pourtant, cela n’a jamais cessé d’exister. Cela n’a pris que d’autres formes, d’autres visages, plus hypocrites, diront avec raison certains.

Au début octobre, je vous ai écrit un texte sur la problématique des normes dans notre société. J’ai essayé de mettre en lumière que ce n’est pas parce que c’est dans les normes, comme on entend souvent dans plusieurs dossiers, et donc que c’est légal, que cela veut dire pour autant que c’est moral ou équitable. Ce n’est pas parce qu’une compagnie minière agit dans les normes et veut exploiter une mine au beau milieu d’un des jardins du Québec que c’est pour autant socialement acceptable. Ce n’est pas parce qu’un producteur agricole veut exploiter une porcherie dans les normes à côté de votre propriété que c’est pour autant socialement acceptable. Ce n’est pas parce qu’une compagnie gazière décide de s’installer dans votre cour pour explorer et exploiter des gisements de gaz de schiste en respectant scrupuleusement les normes, que cela devient automatiquement acceptable pour vous et votre entourage. Je pourrais vous en citer de multiples autres cas de ce genre.

En politique, de tous temps, de l’Antiquité à aujourd’hui, ici comme partout ailleurs, toute société le moindrement démocratique se donne des règles pour un bon fonctionnement de ses différentes facettes. Partout et depuis toujours, il y a des gens qui cherchent à contourner ces règles, parfois de façon illégale et souvent en respectant les lois et les normes en vigueur. N’y a-t-il pas un dicton qui dit que toute règle est faite pour être contourner?

Quiconque a travaillé ou milité dans un parti politique, quel qu’il soit ou presque, tant au niveau municipal que provincial ou fédéral, sait fort bien qu’il y a des jeux de passe-passe dans les coulisses du pouvoir. Cela ne veut pas dire que tous les candidats ou tous les politiciens acceptent de jouer dans ces films-là. Mais ce serait être très naïf de croire qu’il n’y en a pas un certain pourcentage qui ne fait pas certaines pirouettes pour s’aider politiquement. Évidemment, vous ne verrez jamais ces pirouettes en public, car, à moins d’être un athlète accompli, une pirouette publique n’est guère élégante et éloquente.

Quiconque a dans sa parenté un entrepreneur important en construction, un architecte ou un ingénieur d’un bureau important, un notaire ou un avocat d’un bureau tout aussi important, a de bonnes chances de savoir qu’il ou elle contribue aux caisses électorales des partis de tout niveau et qui ont de bonnes chances d’être par la suite en situation de pouvoir et d’octroyer des contrats tout aussi importants qu’il peut l’être dans son domaine, habituellement en respectant les normes. Pourquoi contribuer à un parti fédéraliste quand on est foncièrement souverainiste ou vice-versa? Par simple générosité ou pour payer moins d’impôt, puisque toute contribution faite dans les normes est déductible à 75%? Aux dernières élections provinciales, le seul parti qui n’a sûrement rien reçu de ces gens importants, c’est Québec solidaire. Pourquoi? Il n’avait aucune chance de prendre le pouvoir. Si, un jour, Québec solidaire devient susceptible de s’approcher du pouvoir, comme ce fut le cas pour l’ADQ dans un passé pas si lointain, soyez assurés que ces gens importants n’oublieront pas d’allonger leur chéquier en conséquence.

J’en ai marre parfois de la somnolence de mes concitoyens et concitoyennes du Québec. Alors qu’en ce moment, nous sommes très nombreux à être réveillés et à vouloir en savoir davantage sur l’envers du décor, sur les coulisses parfois sombres du pouvoir, il ne faudrait surtout pas que nous retournions dormir sur nos deux oreilles parce que notre trop aimable premier ministre accepterait enfin de déclencher la Commission d’enquête que l’immense majorité des Québécois et Québécoises réclament. Le sommeil et la naïveté qui l’accompagne sont les pires ennemis de la démocratie et la source de nos pires cauchemars au réveil.

Vous connaissez sûrement le vieux dicton populaire qui nous enseigne avec énormément de sagesse que si tu ne t’intéresses pas à la politique, sois assuré que la politique s’intéresse toujours à toi et qu’elle ne dort jamais aux gaz. Cessons de nous fier aux façades! Cherchons toujours à connaître l’envers du décor politique! La santé de toute démocratie, peu importe le niveau, est à ce prix.

Johnny Marre 

N.B. : Les 4 et 5 décembre prochain, je serai à la table des Éditions Pommamour dans le cadre de l’Exposition des artistes et artisans à l’école Val-des-Monts de Prévost. Venez me dire bonjour et demandez-moi votre exemplaire gratuit de mon livre Coudonc!. L’entrée est gratuite. Au plaisir de vous y rencontrer!