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Mille excuses! Imprimer Envoyer
Johnny Marre
Lundi, 06 Septembre 2010

Tu es si riche avec une histoire qui l’est tout autant. Aux côtés de toi, nous sommes si pauvres et si peu dignes de toi. Trop souvent, nous sommes lâches. Nous tombons allégrement dans la facilité. Toi, tu as traversé les siècles. Tu n’as cessé de t’ennoblir. Tu es de la race des grands. Toi, tu as une volonté inébranlable de vivre. Nous, nous faisons tout pour que tu rejoignes tes sœurs qui sont déjà mortes.

Tu as raison d’être fière de tes origines et d’avoir traversé plusieurs siècles en gardant toute ta beauté, sans aucun botox de quelque nature que ce soit. Non seulement tu es toujours aussi belle qu’au début, mais tu n’as cessé de t’embellir au contact de tes autres sœurs. Nombreux sont ceux et celles qui t’ont portée aux nues, qui ont semé à travers le monde ta richesse. Tu es d’un haut niveau international. C’est par toi que les membres de l’Organisation des Nations Unies et ceux des Jeux olympiques sont, entre autres, invités à s’exprimer à la Terre toute entière. Si, en France, ta terre natale, les Aragon, Balzac, Cocteau, Dumas, Duras, Lamartine, Molière, Sagan, Villon et Yourcenar, parmi tant d’autres, t’ont choisi pour te magnifier et nous livrer leurs pensées, au Québec, ce sont les Aquin, Beauchemin, Blais, Cousture, Crémazie, Ducharme, Hébert, Laberge, Miron et Nelligan, dans cet autre océan de grands auteurs, qui ont joué ce rôle.

Ce sont les Beaulieu, Bertrand, Gauvreau, Gélinas, Grignon, Guèvremont, Lemelin, Lepage, Payette et Tremblay qui t’ont mise sur scène ou qui ont fait résonner tes mots au petit écran qui devient de plus en plus grand. Ce sont les Charlebois, Dufresne, Ferland, Fortin, Lavoie, Leclerc, Lelièvre, Plamondon, Piché et Vigneault qui ont mis en valeur toute ta beauté, toutes tes nuances. Ce sont les Borduas, Bourgault, Chartrand, Groulx et Vallières qui ont fait de toi la première défense de notre peuple.

S’il y a eu autant de gens, tant ici qu’ailleurs, pour te célébrer, pour te porter vers les sommets, pour défendre ce que tu es fondamentalement, c’est que tu n’es pas banale. À l’instar de toutes les autres, ta beauté a ses exigences. Il faut apprendre à t’apprivoiser, à te connaître sous toutes tes facettes, à t’aimer. Tu n’es nullement une beauté facile, comme une de tes sœurs qui veut partager le lit de tous.

Sans toi, nous ne serions pas un peuple. Sans toi, il n’y aurait jamais eu de référendum sur notre accession légitime à la souveraineté. Sans toi, nous ne serions pas des bibittes rares en Amérique. Pourtant, trop nombreux d’entre nous te prennent pour acquise. Trop nombreux d’entre nous trouvent tout à fait normal de te partager avec ta sœur, l’aguichante.

Quand je vais au cinéma et que, dans de nombreux films québécois ou même français, je constate ton absence quand on veut chanter les émotions du film, cela me rend triste. Quand, même à la télévision de chez-nous, il en est de même de la part de gens de mon peuple, je me désole tout autant qu’on t’ait oubliée. Quand de plus en plus de chaînes spécialisées ou non nous offrent des émissions télévisuelles où on ne prend même plus la peine de faire le travail de postsynchronisation, je crains que cette mauvaise habitude ne devienne la règle du futur de nos productions étrangères.

Il y a plus de trente ans, il a fallu une loi de notre gouvernement du Québec pour nous forcer et forcer les autres à te respecter comme il se doit quand tu t’affiches, quand tu es le véhicule du travail, quand tu nous éduques, quand tu nous aides à mieux nous comprendre en ce coin d’Amérique, quand tu représentes le premier élément de notre identité, de notre fierté. Des juges étrangers ont jugé que tu n’avais pas droit à autant de respect. Des politiciens d’hier qui jugeaient qu’on te déroulait trop le tapis rouge applaudissent aujourd’hui cette loi nécessaire. Toutefois, même si tu perds lentement, mais sûrement, la première place qui devrait te revenir pour toujours, ces mêmes politiciens ne lèveront pas le petit doigt pour te garantir cette place.

J’en ai marre, ma chère langue, de l’irrespect, de l’indifférence, du « y a rien là! » de la part d’un trop grand nombre de mes frères et sœurs. On vit dans une société qui prône et qui est prête à payer cher pour la facilité en tout. L’amour de toi ou de qui que ce soit est toujours exigeant, jamais facile. Toutefois, en bout de course, c’est tellement plus gratifiant, tellement plus porteur d’avenir, de satisfaction personnelle et collective.

Mille excuses! Nous ne sommes pas dignes collectivement de toi si nous sommes incapables de te laisser toujours la première place en tout. Un amour véritable, ça ne se partage pas. Les mariages à trois n’ont aucun avenir. Tu es la seule reine qui a raison d’être pour notre peuple et qui peut assurer notre survie à très long terme.

Que cette fin des vacances et ce retour tant à l’école qu’au travail soient l’occasion pour nous tous de prendre conscience de ta richesse jamais acquise et pour poser quotidiennement les gestes qui marqueront le haut degré de respect que nous te devons pour toujours!

Johnny Marre