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May 01st
Un médecin de famille : pas pour les malades! Imprimer Envoyer
Johnny Marre
Lundi, 09 Août 2010

Aujourd’hui, je vais vous parler d’une bibitte rare, d’une bibitte que les moins de vingt ans, au moins, ne peuvent pas connaître. Cette bibitte avait deux pattes. Quand on l’appelait, elle répondait toujours présente. Si elle venait à la maison, elle traînait toujours sa petite valise. Nous la connaissions parfois de génération en génération. Elle connaissait toute la famille. C’est normal. C’était le médecin de famille.

Dès que nous avions un petit malaise qui nous inquiétait, nous pouvions téléphoner chez lui ou à son bureau pour le rencontrer dans les heures qui suivaient. Il était souvent là de la naissance des petits derniers jusqu’au dernier souffle des plus âgés. Il savait l’histoire de tout le monde, tant sur le plan santé que sur leur vie personnelle avec ses hauts et ses bas. Généralement, il habitait le même village ou municipalité que ses patients. S’il était presque toujours disponible, c’était normal puisqu’il ne faisait que cela. À connaître aussi intimement toute sa clientèle, il pouvait faire ainsi un vrai suivi de leur bilan de santé. Il savait quoi leur prescrire. Il pouvait les conseiller ou les mettre en garde contre certains abus ou en raison de leur environnement. Il rencontrait ses patients à l’épicerie, à la Caisse populaire, à une fête toute aussi populaire, en prenant une marche. Il en profitait pour prendre des nouvelles de leur santé. Il était donc très informé de ce que vivait sa clientèle et de leur fiche médicale toujours mise à jour par ses contacts officiels ou par ses rencontres improvisées.

Puis la bibitte a disparu au nom du progrès. Elle faisait partie de ces espèces en voie de disparition qui n’existent plus maintenant, tout au moins dans notre coin de pays. Si j’ai connu cette époque, je ne suis pourtant pas si vieux, je l’ai vue disparaître très rapidement. Sa disparition fut le résultat d’une révolution beaucoup trop tranquille. Je pense que les technocrates nous avaient tous mis sous anesthésie générale pour qu’on ne s’aperçoive de rien et pour que cela fasse moins mal. Aujourd’hui, l’anesthésie ne fait plus effet et le réveil est brutal.

Personnellement, j’ai demeuré à Oka pendant vingt-cinq ans. Il y a trente ans, il y avait trois médecins, puis deux et enfin un, dont le bureau était en plein centre du village okois. Si on avait passé une mauvaise nuit, il était possible d’appeler le médecin qui trouvait toujours un petit trou dans ses rendez-vous pour nous voir, diagnostiquer le problème et prescrire sur-le-champ, s’il y avait lieu, le médicament approprié. C’était pratique, car la pharmacie était la porte voisine.

Malheureusement, un de ces jours inévitables, semble-t-il, on a appris que notre médecin de famille souffrait d’un cancer et qu’il devait renoncer à sa pratique médicale. Son bureau fermait. Plus de deux mille patients se retrouvaient, par la force des choses, sans médecin de famille. Certains citoyens, ainsi que la municipalité d’Oka, sont donc partis à la recherche d’un médecin substitut, quelqu’un qui pourrait prendre en mains localement tous ces dossiers et en assurer le suivi. De peine et de misère, grâce surtout à des avantages pour attirer un candidat, on a fini par trouver la perle rare aux États-Unis. Cette québécoise était prête à revenir au pays pour soulager tous ces patients laissés à eux-mêmes.

Après une couple d’années à faire connaissance avec toute cette clientèle, à créer des liens, à se rendre indispensable, cette femme médecin a décidé qu’elle serait plus heureuse en ouvrant sa propre clinique privée, ne laissant ainsi à tous ses patients que le choix de troquer leur carte d’assurance maladie pour une carte de crédit ou de partir, encore une fois, à la recherche d’un nouveau médecin de famille.

Moi et ma conjointe, nous avons eu la chance de nous en trouver un très rapidement. Un médecin très aimable, toujours le sourire aux lèvres quand il nous accueille, très pertinent dans ses diagnostics et très sage dans ses recommandations ou références. Une perle comme médecin! Comme médecin de famille, ça, c’est une autre histoire.

J’en ai marre de ces révolutions qui font reculer le peuple au lieu de les amener vers un plus grand bien-être.

À suivre…

Que le respect de la santé passe avant les dictats des administrateurs ou politiciens de tout acabit!


Johnny Marre