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Une école stimulante pour tous, pourquoi pas! Imprimer Envoyer
Johnny Marre
Lundi, 24 Août 2009

En plus d’avoir étudié au départ pendant seize ans, j’ai œuvré dans le système d’éducation pendant plus de trente-cinq ans. C’est donc dire que j’ai passé plus d’un demi-siècle dans l’univers scolaire. De plus, mes deux enfants sont dans l’enseignement et j’ai déjà trois petits-fils qui feront ces jours-ci leur entrée ou leur retour à l’école, allant de la maternelle au secondaire.

J’ai publié quelques livres sur l’éducation et j’ai participé très activement à l’ouverture d’une école alternative à Sainte-Thérèse, en plus de la diriger pendant cinq ans. Donc, l’école est un lieu qui m’est très familier et que j’ai vu évolué plus ou moins positivement tout au cours de ces années.

À l’aube de cette nouvelle année scolaire, si vous allez questionner les premiers et les plus importants intervenants de cette grosse machine d’État, les enseignants, en très grande majorité, ils et elles vous diront leur passion pour leur métier. Ils et elles proclameront leur satisfaction de retrouver un nouveau groupe d’élèves ou d’étudiants qu’ils et elles aideront à cheminer pendant les prochains dix mois. Très généralement, les enseignants aiment vivre ces dix mois avec ces nouveaux élèves. Les enseignants ont de très nombreux projets à leur proposer, à leur faire vivre. Les enseignants ont le goût de « tripper » avec leurs étudiants. Les enseignants sont habituellement très heureux dans leur classe. Je précise à dessein : dans leur classe.

Pourtant, le taux de burn-out est beaucoup plus élevé que chez d’autres professionnels. Ils et elles s’épuisent très rapidement, même chez les plus jeunes. Un pourcentage très élevé des nouveaux enseignants quittent la profession avant cinq ans. Ces professionnels devraient être heureux. Ils et elles dépriment malgré tout le stimulus qui les anime en début d’année. Si vous demandez à un de ces enseignants s’il aime son travail, la plupart vous répondra que le problème n’est pas avec les enfants, avec les jeunes. Le grand cancer qui ronge leur profession est ce qui gravite autour de la classe, c’est-à-dire l’administration.

Une école, c’est avant tout un milieu de vie qui se doit d’être chaleureux, stimulant. Une école, c’est fait au départ pour les enfants et leurs profs afin qu’ils puissent continuer leur cheminement dans le cadre d’une éducation de qualité. Tout ce qui les entoure se doit d’être complémentaire, au service d’un cheminement le plus harmonieux possible. Malheureusement, la réalité est tout autre. Il y a longtemps que l’école arrive de plus en plus difficilement à être un milieu de vie malgré les projets plus ou moins « cute » qu’on cherche à publiciser pour démontrer que l’école publique n’est pas si pire que cela.

À l’époque actuelle où les évaluations de tout acabit et les redditions de comptes sont devenues la denrée première, la raison primordiale d’exister pour un système d’éducation, où ce qui prime avant tout c’est de se doter d’un plan d’action, de cibles à atteindre parce que les évaluations et les redditions de comptes perdent leur raison d’être s’il n’y a pas ces prémisses au départ, le milieu de vie en prend pour son rhume, pour ne pas dire pour sa grippe A (H1N1). S’il fallait que nos vies personnelles et familiales soient régies par ces mêmes règles, elles deviendraient vite des enfers, des nids à burn-out et à suicides. On ne vit pas en se fixant année après année des plans d’action systématiques avec évaluations extérieures. Vivre ainsi, c’est avoir perdu de vue le sens premier du mot vivre.

J’en ai donc marre, malgré leurs beaux discours mal emballés, de tous ces administrateurs, du directeur d’école au directeur-général jusqu’à la ministre de l’Éducation, qui gravitent au-dessus des enfants et de leurs profs et qui sont là avant tout pour répondre aux exigences administratives d’un système qui a oublié la notion première du mot éducation. Très peu d’entre eux sont là pour aider, soutenir les profs dans leur quotidien. Ils ont beau essayer de bien paraître, mais si le système a des problèmes, le naturel reviendra vite au galop et l’administrateur reprendra vite le dessus sur les bonnes intentions. Il n’y a pas que l’enfer qui soit pavé de bonnes intentions!

En ce début d’une nouvelle année scolaire, je souhaite à tous les enseignants et à leurs élèves de vivre, même si c’est hautement utopique, une année exceptionnelle, stimulante. Pourquoi ne ferait-on pas l’expérience, au moins pour cette nouvelle année, de faire de toutes nos écoles des milieux de vie véritables, de tout concentrer nos efforts, sans nous restreindre ou nous enfarger administrativement, à appuyer au maximum les profs dans leurs projets et dans leur demande de soutien immédiat pour leurs élèves. Pourquoi serait-ce trop demander qu’au moins pour cette année, tous ces administrateurs se mettent au service des enseignants et des enfants, et non l’inverse? Pourquoi en est-on rendu à quêter, à demander ce qui devrait pourtant aller de soi? Pourquoi n’aime-t-on pas davantage les profs et les enfants qu’on leur confie? Mesdames et messieurs les profs, mes salutations les plus distinguées et mes souhaits les plus sincères d’une nouvelle année scolaire à la hauteur de vos attentes! Serait-ce trop souhaité, messieurs et mesdames les administrateurs de notre système scolaire???

Johnny Marre