« Mettre fin à l'intimidation » |
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Lettre du lecteur |
Écrit par Normand Beaudet |
Mardi, 06 Décembre 2011 |
Le corps de la jeune Marjorie Raymond est en terre. Comme deux autres personnes par jour au Québec, la jeune fille s’est suicidée et sa lettre explique son geste par l’intimidation qu’elle a subie à l’école. Nous devons garder en mémoire qu’il n’y a jamais qu’une seule explication au phénomène du suicide, et c’est vrai pour toutes les formes de violence, qu’elles soient contre soi-même ou contre l’autre. Un drame lié à l’intimidation, ne devrait pas mener à une stigmatisation d’une autre jeune vulnérable comme c’est actuellement le cas. La seule notion de « Tolérance Zéro » ne suffit pas. La mobilisation par les marches, n’est qu’un tout petit premier pas. Tous peuvent agir maintenant.
La solution n’existe pas. L’école soutenue par sa communauté : Le plus important geste serait l’harmonisation des pratiques en gestion saine des conflits entre les intervenants scolaires, les surveillants de pauses, les services de garde, les services de brigadiers scolaires et les intervenants jeunesse dans les communautés. Cette harmonisation est indispensable. Il faut aussi compléter une structure efficace d’accompagnement communautaire préventive en s’assurant de la complémentarité de ces services, ce qui ne devrait pas représenter un défi insurmontable. D’autres initiatives capables de venir compléter cette prise en charge communautaire des jeunes sont en développement et en évaluation. L’initiative Trottibus mise en place par la Société canadienne du Cancer peut jouer un rôle. Le projet des Anges de la Sécurité du resto à Ville Saint-Michel est aussi une approche intéressante D’autres approches préventives d’accompagnement préventif qui peuvent être complémentaires sont aussi en voie d’évaluation. Les moyens existent : Depuis le début des années 90, des programmes de gestion saine des conflits et de médiation par les pairs ont été établis dans de nombreuses écoles; leur maintien repose sur des ressources du milieu scolaire sujettes à une grande mobilité. Dans le cadre de ses programmes les jeunes apprennent à écouter, à communiquer de façon constructive et à aider leurs pairs à résoudre des conflits. Encore une fois, le maintien de ce type de service et le soutien de son fonctionnement ne peut pas être à la charge des professionnels du milieu. Les enseignants et les professionnels sont accaparés par l’enseignement et l’assistance aux cas lourds des jeunes qui font faces à de multiples difficultés. On constate que l’action du milieu environnant l’école est indispensable au maintien des ces formes d’intervention. Les jeunes à problèmes, expulsés des classes, sont de moins en moins laissés à eux même. Plusieurs ne vont plus à la rue, des organismes offrant une alternative à la suspension scolaire sont de plus en plus largement implantés grâce au travail des YMCA. Ce genre de service doit s’étendre et ces organismes doivent pouvoir compter sur la possibilité d’offrir de véritables voies de sortie à ces jeunes et ainsi les raccrocher à la priorité d’apprendre. N’oublions pas que les jeunes expulsés sont souvent ceux qui sont laissés à eux même et qui se donnent un pouvoir en intimidant. L’intimidation est pour plusieurs une façon de reprendre du pouvoir sur une réalité de déceptions. Contrer l’intimidation : Nous devons aussi permettre aux jeunes de mettre en application les compétences acquises en les responsabilisant face à ces situations. Les jeunes du second cycle du primaire pourraient offrir un service d’accompagnement préventif aux jeunes du premier cycle. Les jeunes du premier cycle du secondaire pourraient faire de même avec le second cycle du primaire et ainsi de suite. Apprendre à détecter les incivilités, à contrer ces comportements, à isoler les jeunes qui perpétuent ces comportements ou à les référer aux adultes en mesure de les aider à désamorcer ces comportements sont des compétences à la portée des jeunes. La lutte à l’intimidation est donc loin d’être un objectif insurmontable. Les moyens de passer à l’action sont connus, la grande partie des ressources sont disponibles; nous devons intégrer le tout. Passer à l’action : Oui! Nous pouvons manifester pour revendiquer le soutien des gouvernements et des écoles. Mais la dernière chose à faire serait d’attendre après les gouvernements. Prenez la rue, mais aussi impliquez-vous dans votre conseil d’établissement, ou celui de vos petits enfants. Demandez à votre direction d’école la liste des organismes communautaires actifs dans votre milieu. Formez un comité de prévention de la violence dans votre école. Inventoriez les organismes intéressés ou qui ont des compétences au niveau de la gestion des conflits et qui peuvent offrir un soutien à la mise en oeuvre de services d’accompagnement aux jeunes. Puis, impliquez-vous dans le comité de parent de votre commission scolaire et demandez que votre commission et nos gouvernements (municipaux et provinciaux) soutiennent les initiatives citoyennes et communautaires de soutien aux établissements scolaires. Ainsi nous passerons de la dénonciation à la prise en charge citoyenne de ce problème qui a toujours existé en milieu jeunesse. Ainsi nous lutterons ensemble contre l’intimidation et ferons en sorte de réduire l’incidence de cas comme celui de la jeune Marjorie et les retombées désastreuses de la dénonciation publique sur ses compagnes vivant leur houleuse adolescence. Si vous ne bougez pas, cessez de condamner, vous nuisez à la cause. Normand Beaudet |