Autoportrait d'une plume de l'ombre

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La huitième lueur
« Quand j'ai vu le kiosque, quand j'ai lu l'affiche, j'ai tout de suite accroché : Les Plumes de L'ombre, groupe d'écriture. Pour moi, qui tâtais secrètement bien qu'assidûment la plume depuis l'âge de six ans, c'était l'occasion rêvée…
   
NDLR :  Le Festival international du texte court de Sherbrooke auquel collaborait «Plumes de l’Ombre» présidé cette année par notre concitoyenne Sophie Jeukens a gagné le premier prix provincial dans la catégorie Arts Lettres et langues au concours Force Avenir. Le Festival aura de nouveau lieu cette année, du 21 au 24 mars.
Sophie Jeukens est une jeune fille de Saint-Eustache. Par pur dilettantisme, elle a collaboré avec Jean DeGarie à la rédaction de plusieurs textes parus sur le15Nord à l’été 2005. Elle voulait, et veut toujours écrire. En se dirigeant vers l’Université de Sherbrooke, elle a vu le kiosque…  Laissons-là continuer le récit
 
    ... J’ai noté le jour, l’heure, le lieu des réunions, puis le jeudi suivant, j’assistais déjà à l’une de ces rencontres qui allaient devenir un incontournable de mon horaire hebdomadaire. Depuis deux ans et demi déjà, il n’y a pas de compromis pour les Plumes…
 
Qui sont les Plumes ?
 
Les plumes, ce ne sont plus que ces vétustes objets qui servaient la main du poète avant la naissance du crayon, ce sont également ces quelque vingt énergumènes qui se rencontrent dans les sous-sols de l’université de Sherbrooke pour se lire leurs textes, en discuter, écrire en groupe. Au creux du Racoin, tous les jeudis soirs, on croirait presque assister à une réunion des Alcooliques Anonymes, mis à part le fait que notre vice, c’est plutôt d’être Auteurs…
 
Bon, trêve d’exagération! Il n’en demeure pas moins que c’est un peu cette image de l’auteur incompris ou du génie méconnu qui a donné à Jean-François Vachon, fondateur du groupe, l’idée de son nom : Les Plumes de L’ombre servent, tout d’abord, à donner la chance aux auteurs qui sont encore dans l’ombre de s’exprimer auprès d’un public réellement intéressé. Aujourd’hui, les maisons d’édition reçoivent tellement de textes qu’ils ne peuvent se permettre d’en publier qu’un sur cent. Les quatre-vingt-dix-neuf autres manuscrits continueront à traîner au fond d’un vieux tiroir poussiéreux… En tout cas, cette statistique prouve deux choses : d’abord que le Québec ne manque pas d’écrivains; ensuite qu’il demeure très ardu pour ces écrivains de trouver une tribune, un coup de pouce pour crier haut et fort.
 
Si l’on écrit, c’est parce qu’on a quelque chose à dire; si l’on parle, on mérite d’être écouté. Ainsi pourrait-on résumer le credo des Plumes de L’ombre. Car ombre ne réfère en rien, ici, à une quelconque avant-garde prête à émerger, mais tout simplement à l’ensemble de ceux qui écrivent dans l’ombre, hors des projecteurs du milieu éditorial. En effet, bien qu’elles soient à prime abord considérées comme un groupe étudiant, affilié à l’université de Sherbrooke, les Plumes préfèrent se tenir loin des créneaux conventionnés des revues universitaires types, qui en cherchant à construire du nouveau avant tout, prédéfinissent la nouveauté au point de la restreindre, et d’étouffer ainsi des voix réellement originales. Ainsi, les Plumes demeurent ouvertes à tous, arborant fièrement un profil quasi  trigénérationnel. Après tout, chacun a droit à la parole… pardon, à la plume!

La huitième lueur
 
Depuis les premiers balbutiements du groupe, modestement fondé au cégep de Granby, puis à l’université de Sherbrooke, les Plumes de L’ombre ont su faire leur chemin. Celles de Sherbrooke en sont déjà à leur huitième recueil littéraire, intitulé Lueurs en l’honneur de cette chance qu’il donne aux auteurs du groupe, qui qu’ils soient et peu importe leur style, de sortir de l’ombre et d’obtenir cette tribune dont ils ont tant rêvé. Pour le recueil, point de grand processus de sélection : l’objectif est, tout simplement, l’expression. La grande majorité des textes sont acceptés et par cette ouverture unique, les Plumes offrent une alternative inspirante aux désillusionnés de l’édition contemporaine.
 
Tout compte fait, je peux vous assurer que la première fois qu’on voit ses textes imprimés sur papier de presse, mis en page par une infographiste professionnelle et entourés des œuvres de ses amis, ça fait tout drôle. Parce que pour toute personne ayant ses velléités d’écriture, c’est un grand rêve. Pas un rêve égocentrique, pas un power trip mégalomane : seulement le désir d’être lu, d’être entendu par des gens qu’en écrivant, on a sincèrement cru pouvoir toucher. Et bien que ma première expérience de publication avec les Plumes remonte déjà à l’année 2004, chaque fois, je me laisse inspirer par les visages des nouveaux venus dans le groupe, obnubilés par la couverture de leur tout premier recueil littéraire. Laissez-moi vous dire que des « Ouf! ça fait bizarre de voir mes textes… » et des « Regarde, je suis publié(e) pour la première fois! », j’en ai entendu plus d’un cette année. Et laissez-moi vous dire que c’est vraiment beau. Qu’il faut continuer de croire que c’est possible. Et de se battre pour que ça le soit.
 
Quand j’entre en scène
 
Et je dois vous avouer que cette année, ça m’a fait un plaisir tout particulier de les entendre. Parce que ce recueil était aussi une première pour moi. Pas celle de la publication, non… celle de la présidence… Car depuis l’été, je me suis investie de la mission de poursuivre ce projet créé et baptisé par Jean-François, ce dernier s’étant éloigné vers Québec. Tout un défi pour moi, qui ai longtemps été timide, qui n’ai jamais tellement cru aux titres, ni en mon propre leadership d’ailleurs… J’avais des rêves, mais je les réalisais en silence, en catimini, terrée dans mes idées; avec les Plumes, je devrais sortir dans la rue, crier mes mots au grand jour aux côtés des autres, et encore, les encourager à le faire avec moi. J’avais peur, mais j’avais hâte. Et aujourd’hui, je peux vous dire que je suis fière. Fière de moi, fière d’eux, et fière d’avoir accompli ce dont, jusqu’à aujourd’hui, je ne me serais jamais crue capable.
 
Le recueil de cette année, je dis souvent que c’est mon bébé. Pas seulement le mien, bien sûr : il appartient à tous. Ses auteurs, ses lecteurs, même tous ceux qui ne le liront jamais, mais à qui il demeurera toujours destiné. Mais pour moi, tout particulièrement, il a une valeur nouvelle. Je l’ai vu naître, puis se construire doucement à partir de la collation des textes jusqu’à la vente, le tout aux premières loges. Et c’est là que j’ai réalisé que la publication avec éditeur, ça ne m’intéressait plus, du moins pas pour l’instant. Parce qu’avec les Plumes, j’ai vécu une expérience totale d’édition, que seule l’étiquette indépendante peut offrir. Pour l’étudiante en littérature que je suis, c’est tout un cadeau… Ça équivaut à mettre finalement les pieds dans le vrai monde; ça équivaut aussi à donner au milieu culturel une belle preuve de notre force; ça veut dire «  faire sa place jusqu’au bout ».
 
Si vous êtes intéressés à obtenir plus d’informations sur les Plumes de L’ombre, ou encore à vous procurer le recueil Lueurs, veuillez communiquer avec nous à l’adresse suivante : Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.

Du théâtre sans hiérarchie (La Nouvelle, 7 février 2007)
Parce que Francis Poulin et Sophie Jeukens ne croient pas au théâtre hiérarchique, ils recherchent des gens aux multiples talents avec qui ils pourront créer de toutes pièces, une pièce.