Quand le classique se fait jazz…

Envoyer Imprimer

Au premier abord, il semble inconcevable que la musique classique, celle des grands maîtres comme Bach, Schumann ou Chopin, puisse se marier avec l’univers jazz. Probablement, que même notre oreille puisse trouver cela étrange aux premières écoutes, car notre cerveau est comme programmer pour associer le mot classique à un certain type de musique et le mot jazz à un tout autre type de sonorité. Certains puristes trouveront sûrement cela quelque peu sacrilège pour les grandes œuvres classiques.

Le talent d’un grand artiste est de chercher à permettre à toute musique de dépasser ses limites, de revisiter des œuvres pour leur donner une toute nouvelle dimension. C’est ce à quoi nous étions conviés en ce dernier samedi de septembre à la salle des Diffusions Amal’Gamme, à Prévost. Pour démarrer sa nouvelle programmation 2011-2012, notre grand diffuseur laurentien nous proposait le pianiste Matt Herskowitz.

Monsieur Herskowitz, qui réside depuis douze ans à Montréal,  n’en était pas à sa première visite en sol laurentien. Il y a près de deux ans, en novembre 2009, il était venu en cette même salle pour nous émerveiller avec, entre autres, son interprétation de l’illustre « Rhapsody in Blue » de George Gershwin. J’avais alors souligné sa fougue et son énergie à nous livrer des œuvres musicales tantôt avec tellement de vivacité, tantôt avec tellement de douceur. Pour cette seconde visite, Matt Herskowitz avait choisi un programme de classiques en jazz. Si ce très grand pianiste de réputation internationale est au départ un musicien classique et qu’il l’est toujours, il a toujours eu une passion pour l’univers du jazz. C’est cet heureux mariage qu’il nous a offert samedi dernier. S’il avait mis au menu du Bach, du Schumann et du Chopin, c’était pour se permettre d’y ajouter sa dose d’improvisation à l’intérieur de leurs œuvres, caractéristique même de l’univers du jazz. C’est alors que les œuvres des grands maîtres prennent une toute nouvelle dimension.

En ouverture de programme, monsieur Herskowitz a débuté avec force avec son « Bach à la Jazz », qui a pour origine le Prélude en do mineur de Jean-Sébastien Bach et qui fait partie de la bande sonore du célèbre film « Les Triplettes de Belleville ». Déjà, le public, pas assez nombreux pour un spectacle d’une aussi grande qualité, avait le sentiment qu’il passerait une merveilleuse soirée. Et il ne fut certes pas déçu.

À plusieurs reprises, Matt Herskowitz s’est adressé dans un bon français à son public de Prévost et d’ailleurs pour mettre la table à ses différentes pièces au menu. Un geste apprécié parce que ce ne sont pas tous les artistes qui le font et parce que cet entregent avec le public crée un rapport chaleureux avec l’artiste. Il nous a donc présenté et livré un Duetto et le Preambulum du Partita no. 5 en sol majeur de Bach, une Toccata, l’Allegro affettuoso et le Träumerei de Schumann, et deux études de Frédéric Chopin.

À chaque fois, il y avait l’œuvre classique qui s’imposait, mais, tout en subtilité, il y avait la part d’improvisation ou d’arrangement de Matt Herskowitz. Pour se convaincre totalement de la beauté de cette nouvelle lumière sur des musiques d’autres siècles, le public n’avait qu’à se laisser bercer par l’Étude en mi majeur, opus 10, no. 3, ou mieux connu sous le titre « Tristesse », de Chopin. Ce fut un pur ravissement.

Si monsieur Herskowitz s’amuse et nous ravit en rajoutant ses touches « jazz » à de grandes œuvres, il se permet également d’écrire ses propres compositions où justement le monde du classique s’allie à celui du jazz. Il nous en a d’ailleurs livré un extrait de sa « Trilogie de Jérusalem » pour le plus grand bonheur des mélomanes présents. Ce n’est pas pour rien que le grand Dave Brubeck lui a écrit que, par ce nouvel enregistrement, il venait de transformer le concept de la musique « world » comme lui-même le concevait il y a un demi-siècle. Brubeck va même jusqu’à lui dire qu’il l’a porté plus loin qu’il n’aurait pu même l’imaginer à l’époque. Que dire de plus…

Samedi prochain, le 1er octobre, ce sera au tour des œuvres de notre grand poète national, Gilles Vigneault, d’être revisitées par le baryton, Charles Prévost, et le pianiste, Francis Perron. Décidément, les Diffusions Amal’Gamme ont décidé de nous gâter cette année. Vous laisserez-vous gâter ?

Pierre Lauzon
Les éditions Pommamour