Implantation d'un sentier de motoneige

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Le morcellement graduel du territoire laurentidien et la densification de la population ont inévitablement affecté la pratique de la motoneige. Conjugés à l’abandon des lacs à titre de milieu récepteur pour la pratique de la motoneige, ces facteurs ont mené au courant des dernières années à la fermeture de plusieurs tronçons de sentier. Les sentiers qui autrefois desservaient les Basses-Laurentides se voient graduellement fermés et déportés vers les moyennes et hautes Laurentides. La Trans-Québec 33 (TQ 33) est l’un de ces sentiers où depuis 2005, de Saint-Hippolyte à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson, quelque 30 kilomètres empruntant les terres privées et publiques durent être abandonnés. 

La Table de concertation des véhicules hors route des (TCVHR) des Laurentides, la MRC des Pays-d’en-Haut, la Fédération des clubs de motoneigistes du Québec (FCMQ), le MRNF, le MDDEP et le MAMROT, le Club de motoneige Laurentien et Autoneige  Blizzard et Horizon multiressource, une organisation multidisciplinaire collective spécialisée en développement régional durable et en aménagement intégré du territoire, ont mis au point une méthode axée sur une réelle approche de développement durable afin de dénouer cette impasse. Selon cette méthode, à terme, le projet devait 1) ne pas mettre en péril les aspects environnementaux sensibles du territoire, 2) assurer un certain progrès social en raison des modalités participatives du projet et 3) générer des retombées économiques significatives pour la région (fig. 1).

Inversement aux projets d’implantation de sentiers de motoneige usuels, il a d’abord été proposé de vérifier les aspects sociaux du projet. Ainsi, un vaste sondage a permis d’identifier les propriétaires démontrant un intérêt à accueillir chez eux un tronçon du sentier de motoneige. La réponse des propriétaires fonciers a été cartographiée et des corridors potentiels pouvant recevoir un éventuel tracé ont ainsi pu être identifiés.

Selon Sébastien Nadon,  B.Sc. urbanisme, d’Horizon multiressource, « En se concentrant d’abord sur les aspects sociaux, la méthode imaginée visait d’abord à assurer l’acceptabilité sociale du projet. Cette façon de faire, plutôt inhabituelle, permettrait aux clubs locaux de pouvoir concentrer leurs efforts de négociation sur seulement les propriétaires favorables au projet ». La phase sociale du projet a été complétée en localisant géographiquement, à l’aide de l’analyse des photographies aériennes du territoire en mode stéréoscopique, toutes les résidences situées à l’intérieur et en bordure du corridor de propriétés foncières appartenant aux propriétaires favorables au projet. « Éviter les habitations et établissements par le respect d’une zone tampon optimale autour de ces bâtiments nous assurait de respecter, avant même leur entrée en vigueur, les futures dispositions relatives aux distances minimales à respecter prévues dans la Loi sur les véhicules hors route. »  mentionne Julie Kennedy de la TCVHR.

Dans une deuxième phase et en vue de mettre en œuvre l’ensemble du concept du développement durable, l’étude s’est ensuite concentrée sur les aspects environnementaux et économiques du corridor potentiel constitué des terrains des propriétaires favorables au projet. Dans la recherche du futur tracé, l’équipe multidisciplinaire a ainsi tenté d’éviter les milieux écologiquement sensibles en les recensant d’abord, de réduire au minimum le nombre de cours d’eau à traverser, d’éviter les habitats fauniques particuliers, de contourner les écosystèmes forestiers exceptionnels, etc.

Au niveau économique, l’équipe a cherché à réduire les coûts de confection de sentier au minimum et ce, en localisant les chemins forestiers existants, en évitant les pentes fortes qui auraient nécessité un dynamitage inutile, etc. Elle a aussi tenté, dans la mesure du possible, de rapprocher le futur sentier des commerces locaux afin de stimuler l’économie régionale, de rechercher les sommets et les meilleurs points de vue, etc. Selon Anne Keough, biologiste chez Horizon multiressource « Le but ultime fut d’obtenir une image complète des 3 sphères du développement durable afin de pouvoir prendre des décisions et faire des recommandations qui se situeraient à la jonction des 3 sphères ». 

La dernière étape du projet avant la mise en œuvre du tracé durable fut la recherche de financement. Plusieurs sources d’aide financière ont ainsi pu être sollicitées. Outre les fonds de roulement des clubs, le MAMROT, la Coalition nationale sur les sentiers (CNS), la FCMQ, le MRNF, le MDEIE, la CRÉ des Laurentides, les MRC de la Rivière-du-Nord et des Pays-d’en-Haut sont quelques-uns des organismes qui ont généreusement financé le projet. Les travaux de confection du sentier furent entrepris à l’automne 2010. Terminé en novembre 2010, le sentier TQ 33 a été rouvert à l’hiver 2010-2011. Questionné sur le projet en général, André Goulet précise : « La méthode a donné de très bons résultats. Même si elle ne garantie pas le succès à tous coups, elle constitue une approche robuste qui présente de multiples avantages : elle permet d’abord d’optimiser les efforts techniques déployés et d’économiser des sommes d’argent importantes. Elle est profondément respectueuse des propriétaires fonciers et, dans le royaume de la propriété privée tel que ce fut le cas dans ce projet, elle permet de croire en une meilleure durabilité du réseau. Elle crée une synergie régionale en alliant le monde municipal, communautaire et privé ».

Le mot de la fin revient à Denise Grenier, administratrice à la FCMQ : « On peut être pour ou contre la motoneige, reste que cette activité, identitaire au Québec, est la seule activité de plein air possible pour quantité de gens. Avec les efforts de développement écologique déployés de la part des constructeurs et motoristes, et avec la sensibilité accrue de la FCMQ à l’égard de l’environnement, il est aussi permis de croire que l’activité motoneige, de l’implantation de sentiers jusqu’à sa pratique quotidienne, deviendra de plus en plus saine au niveau environnemental. D’ici là, les partenaires du projet sont somme toute satisfaits puisque la FCMQ incorpore actuellement la méthode établie par notre petite équipe dans son Guide d’évaluation environnementale des sentiers de motoneige. Le projet de la TQ 33 démontre hors de tout doute qu’un sentier de motoneige, si long soit-il, peut être établi de façon respectueuse au niveau environnemental, social et économique sur le territoire ».

André Goulet, ing.f., M.Sc., directeur général, Horizon multiressource inc.
Sébastien Nadon, tech. for., B.Sc. urbanisme, Horizon multiressource inc.
Anne Keough, tech. faune, B.Sc. biologie, Horizon multiressource inc.
Paul Ouimet, président, Club Autoneige Blizzard
Jeannot Dion, trésorier, Club motoneige Laurentien
Julie Kennedy, coordonnatrice, Table de concertation sur les véhicules hors routes des Laurentides
Alain Jourdain, urbaniste, municipalité de Saint-Calixte
Chantal Ladouceur, A.P., chargée de projets, MRC des Pays-d’en-Haut
Denise Grenier, administratrice, responsable région Laurentides, Fédération des clubs de motoneigistes du Québec