Si, en 2010, vous entendez parler encore plus que d’habitude de Frédéric Chopin, c’est que cette année, c’est le 200e anniversaire de la naissance de ce très grand compositeur de musique. Il y a très peu de gens qui sont de passage sur notre bonne vieille Terre et qui font non seulement parler d’eux de très nombreuses années après leur mort, mais dont leurs œuvres sont quotidiennement interprétées ici et là sur notre planète.
Il y a des gens qui font l’Histoire parce qu’ils et elles ont marqué d’une façon ou d’une autre leur époque. On nous les rappelle à notre mémoire quand on fait référence à des événements bien précis dans un cadre très historique. Toutefois, il y a très peu de gens qui continuent de vivre régulièrement avec nous. Les compositeurs de musique sont de ce lot. La musique étant le plus beau et le plus grand langage universel, il n’y a pas de frontière pour entendre leurs œuvres. Chopin est un de ces cadeaux de la vie, de l’Histoire universelle. Samedi dernier, c’est, entre autres, avec cet illustre compositeur que les gens, plutôt nombreux, avaient rendez-vous dans la salle de l’église Saint-François-Xavier de Prévost. Jimmy Brière était l’invité interprète des Diffusions Amal’Gamme pour cette soirée qui se voulait un « piano romantique ». Ce pianiste très réputé a déjà une feuille de route impressionnante. Il est régulièrement invité à se produire au Canada, aux États-Unis et en Europe. Ici même au Québec, il n’y a pas un orchestre symphonique majeur avec qui il n’a pas joué. De l’Orchestre symphonique de Montréal à celui du Saguenay Lac Saint-Jean, il a collaboré avec de très nombreux chefs. Ce n’est pas le talent qui manque.
Par contre, il ne suffit pas d’avoir beaucoup de talent pour transmettre l’émotion lors d’un récital, surtout quand l’invitation se veut romantique. En ce samedi de la mi-mars, Jimmy Brière nous a interprété une Polonaise et quatre Mazurkas de Chopin, mais aussi des préludes de Nino Rota, des Funérailles de Frank Liszt (c’est moins romantique) et une Sonate de E. W. Korngold. Personnellement, je n’ai pas senti que le romantisme était au rendez-vous, ni dans la plupart des choix musicaux, ni dans l’interprétation.
Je me trompe peut-être, mais il me semble que monsieur Brière est un grand timide. Il nous présente brièvement ses œuvres, les exécute avec une très grande maîtrise de son art, sort de scène aussitôt l’interprétation terminée pour revenir nous en présenter une autre de la même façon. Ces sorties de scène laissent le public un peu perplexe, qui se demande ce qui se passe, si c’est la pause ou si c’est vraiment terminé. Ces sorties inhabituelles avec d’autres pianistes ou musiciens brisent le lien entre l’interprète et les gens présents. Après avoir interprété la dernière œuvre au programme, Jimmy Brière a salué et est sorti de scène, comme pour toutes les autres œuvres au préalable. Malgré les applaudissements sincères du public devant ces interprétations exécutées avec beaucoup de talent et de maîtrise, il est venu saluer une dernière fois, sans offrir de rappel, comme c’est très souvent le cas, laissant les gens présents encore plus perplexes.
Est-ce qu’il y avait un problème quelconque qui indisposait monsieur Brière? Est-ce que la sonorité du piano n’était pas à la hauteur de ses attentes et de son très grand talent? Est-ce son complet qui l’indisposait, car il sentait le besoin de replacer régulièrement ses vêtements? Si c’est le cas, il aurait été souhaitable que Jimmy Brière le partage avec le public qui est toujours très réceptif et compréhensif avec les difficultés que peuvent rencontrer les artistes, les interprètes. Si ce n’est pas le cas, monsieur Brière aurait à gagner de porter attention à ces petits détails qui ont, malgré tout, une influence sur la réception de l’ensemble du public.
Enfin, quand, en tant que spectateur et auditeur dans un spectacle de quelque nature que ce soit, je me rends au rendez-vous fixé par un artiste, je ne m’attends pas à ce que l’on ne me serve que des œuvres connues. Je suis ouvert comme tout le monde à ce qu’on m’ouvre à des choix musicaux inconnus ou beaucoup moins. D’autre part, j’apprécie que l’artiste m’offre également quelques interprétations où mes connaissances musicales se retrouvent. Quand un chanteur vient nous présenter son dernier bébé, sa dernière couvée musicale, le public est très réceptif à ses nouvelles œuvres, mais il s’attend aussi à ce qu’il lui livre quelques chansons d’avant qui ont permis à ce public de tomber en amour avec ce chanteur, cet artiste.
Il en va de même pour tout spectacle ou récital. Samedi dernier, aucune œuvre romantique connue d’un large public n’était au programme. La Polonaise de Chopin n’était pas la plus connue. Enfiler à la queue leu leu quatre mazurkas ou quinze préludes, ça tient certes d’une très grande maîtrise de son art, mais cela ne contribue pas au romantisme de la soirée. Pour que ce romantisme soit au rendez-vous, il faut une âme musicale, de l’émotion. Ce n’était pas le cas en cette soirée de la mi-mars. Finalement, c’est peut-être le titre même de la soirée, « Le piano romantique », qui n’était pas approprié et qui créait de fausses attentes. Car, qu’on le veuille ou non, le public se présente toujours à un spectacle avec des attentes, élevées ou non selon les gens. Mais ces attentes sont réelles et on ne peut les ignorer.
Malgré tout, monsieur Brière, au plaisir de répondre à un prochain rendez-vous où je prendrai davantage de plaisir à communier avec votre art, avec votre talent! Un seul spectacle ne doit pas être le jugement final sur un artiste.
Pierre Lauzon
Les éditions Pommamour