Andrée Belle-Isle : un arc-en-ciel musical

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Dans cette époque d’hystérie collective, de pandémie appréhendée, j’ai reçu un vaccin musical vendredi dernier, le 30 octobre, à la salle Antony-Lessard de Saint-Jérôme. Dans cette période de grisaille de fin octobre où la pluie et le brouillard aiment nous visiter, j’ai vu et entendu un arc-en-ciel musical vendredi soir dernier. Cet arc-en-ciel, c’est Andrée Belle-Isle.

À un bout de cet arabesque de couleurs, il y a l’Abitibi, son lieu d’origine, et à l’autre bout, les Laurentides, plus précisément Saint-Hippolyte, son lieu de résidence. Le spectacle que nous présentait Andrée Belle-Isle en grande première avait une large palette de couleurs. Vous ne la connaissez pas encore? Moi, non plus, je ne la connaissais pas avant d’aller la voir et l’entendre à Saint-Jérôme. Pourtant, elle n’en est pas à ses premiers balbutiements musicaux. Loin de là, cela fait plus d’une dizaine d’années qu’elle roule sa bosse musicale. Elle a participé à des revues musicales d’envergure internationale, comme Night Fever, dirigée par René Simard, et Rock Story, mis en scène par Joël Legendre. Elle était la choriste lors de la dernière tournée du regretté Georges Thurston.

Cette auteure-compositrice-interprète, dans la très belle trentaine, a une présence sur scène très chaleureuse et captivante. Dans ma dernière appréciation de spectacle, je vous parlais d’artistes, comme Francis Cabrel, dont la différence entre leur spectacle et la simple audition d’un de leurs cd est très mince. Pourquoi alors dépenser quelques dizaines de dollars pour aller les voir physiquement? Par contre, d’autres artistes, comme Luce Dufault, Claude Dubois, Richard Séguin, Ginette Reno et plusieurs autres, valent grandement cet investissement dans leur spectacle. C’est un plus que de les voir à l’œuvre. Andrée Belle-Isle est de cette catégorie d’artistes.

Cette Laurentienne sait aussi s’entourer d’excellents musiciens. Son quatuor musical de ce vendredi de fin octobre était composé d’Alain Bertrand à la guitare qui a déjà accompagné de nombreux artistes comme Grégory Charles et Isabelle Boulay, François Marion à la contrebasse qui fait partie de La Bottine souriante, Sébastien Cloutier aux claviers qui est membre du groupe Jelly Fish et Denis Courchesne aux batteries et percussions qui fait résonner ses instruments depuis plusieurs années et que nous avons pu voir récemment à l’émission Belle et Bum. Comme vous voyez, nous sommes loin de l’amateurisme. Andrée Belle-Isle joue avec des professionnels, car elle en est une d’expérience et dans l’âme.

Une autre preuve de son très grand talent, c’est qu’elle avait invité le très talentueux guitariste argentin, Jorge Martinez, à se joindre à elle pour enrichir encore plus son quatuor musical, le temps de quelques chansons. Ce grand guitariste qui a fait la première partie du spectacle de la célèbre chanteuse, Césaria Evora, à la Place des Arts de Montréal, a déjà, lui-même, beaucoup de présence et charisme sur scène. À lui seul, il sait captiver l’auditoire. Il pourrait facilement éclipser tous les autres sur scène. Pourtant, nous avons pu voir une Andrée Belle-Isle qui maintenait sa présence sur scène. L’arc-en-ciel ne s’éclipsait pas parce que le soleil venait de faire son entrée. Loin de là, ses couleurs s’épanouissaient encore davantage.

Il faut avoir beaucoup d’assurance et de talent pour prétendre vouloir jouer dans la cour des grands. Cette auteure-compositrice-interprète en a assurément. On n’invite pas de grands musiciens à venir partager notre scène si on n’est pas convaincu, au départ, qu’ils ne nous feront pas ombrage. Andrée Belle-Isle a cette maturité musicale qui lui permet de s’exposer, de côtoyer d’autres soleils. Il fallait la voir, entre autres, dans son interprétation de Gitane, dont le texte est d’elle et la musique Jorge Martinez, pour en avoir une très belle illustration.

Parlons-en des textes! Comme l’arc-en-ciel, ils affichent de nombreuses couleurs allant de la très belle joie de vivre, comme dans J’ai choisi d’aimer ou le Piano de Décibelle, aux textes plus dramatiques, comme À la dérive ou Coup de théâtre, sans oublier ses textes pleins de tendresses, comme La porte du bonheur ou Tu grandis. Chacun de ces textes, tous en richesse et en nuances, se complètent avec merveille à des musiques, dont elle est le plus souvent la maîtresse d’œuvre. Pour nous livrer enfin le fruit de ces créations, Andrée Belle-Isle nous les sert avec une merveilleuse voix qui nous fascine, nous charme immédiatement, dès la première interprétation. Dans une de ses chansons, elle nous dit que l’arc-en-ciel ne se crée pas sans la pluie. Quelle belle trouvaille, pourtant si peu évidente à nos yeux trop souvent fermés ou occupés ailleurs!

Vendredi dernier, elle s’est permis de s’amuser avec son quatuor musical à interpréter aussi des chansons très connues allant de Joni Mitchell à George Harrison, en passant par Francis Cabrel (dans son cas, avec beaucoup plus de présence!!!). Encore là, elle excellait. Tout au long de ce spectacle de près de deux heures, sans intermission, elle a su charmer son auditoire. Ses interprétations très justes, ses petits mots à l’occasion entre des chansons, sa mouvance sur scène, sont autant d’éléments qui ont conquis cette salle quasi-remplie de Saint-Jérôme. Je vous mets au défi de laisser indifférent à cette artiste. Je vous mets au défi de ne pas succomber immédiatement à certaines de ses chansons, dont Le piano de Décibelle ou Gitane.

Le Québec ne peut se permettre d’ignorer une artiste de ce calibre. Il nous faut espérer que toutes les opportunités médiatiques s’ouvriront rapidement pour vous la faire connaître. Elle est en préparation de son premier album, dont elle rêve depuis plusieurs années, qui devrait nous être offert avec les premières couleurs du printemps prochain. Si mon texte ne vous a pas convaincu, allez visiter sa page sur My Space (http://www.myspace.com/belleisleandree). Vous pourrez y entendre certaines de ses chansons. Bonne découverte!

Pierre Lauzon       
Les éditions Pommamour