Enseignants, exigez le respect! Imprimer
Johnny Marre
Lundi, 06 Février 2012

Le 27 janvier dernier, le Journal de Montréal nous informait que la Commission scolaire de la Rivière-du-Nord poursuivait les 26 enseignants de l’école Sainte-Anne, à Saint-Canut de Mirabel, ainsi que leur syndicat, pour représailles et même intimidation  auprès de leur ex-directrice. Tenez-vous bien! Le montant réclamé à titre de dommages moraux et exemplaires est de quinze mille dollars (15 000$). Le mot exemplaire n’est pas innocent. Le journal Le Mirabel, dans sa dernière livraison, en a fait d’ailleurs sa première page.

Cette façon de faire des patrons du 21e siècle n’est pas innocente. Elle me rappelle un événement du genre que j’ai vécu peu de temps avant ma retraite de l’enseignement. J’enseignais alors au préscolaire et je me faisais un devoir, en tant que supposé professionnel de l’enseignement  qu’on disait que j’étais (une vraie farce!!!), de défendre les droits de mes élèves à une éducation de qualité. J’avais alors écrit et publié dans des journaux de la Commission scolaire de la Seigneurie des Mille-Îles un texte très respectueux où je dénonçais le manque d’écoute de la commission scolaire et, plus particulièrement, de sa directrice des services de l’enseignement de l’époque. Quelle ne fut pas ma surprise quand mon directeur est venu à ma rencontre, l’air plutôt désolé, à la fin de l’année scolaire, à la toute veille des vacances estivales. Il avait en main une lettre du directeur-général de la commission scolaire qu’il se devait, sans doute bien malgré lui, de me remettre. Le grand patron exigeait que je me présente devant lui pour expliquer les propos contenus dans ma lettre ouverte, avant de décider de représailles à mon égard. Loin de m’intimider, j’étais résolu à aller défendre ma liberté d’expression devant ce parterre patronal.

À l’heure et au jour indiqué, je me suis présenté à la commission scolaire avec mes représentants syndicaux. Du côté patronal, en plus du directeur-général, il y avait d’autres cadres, sauf celle impliquée dans le litige, et l’avocat de la CSSMÎ qui salivait déjà à la perspective de pouvoir faire de l’argent avec mon cas. D’entrée de jeu, le directeur-général, qui était à l’emploi alors de la CSSMÎ depuis presque aussi longtemps que moi, a tenté, sans trop de conviction, de jouer son rôle de grand patron. Son principal argument était que, si je travaillais pour Bell, cela ferait longtemps que je serais à la porte. Pourquoi? Par manque de respect dans mes multiples interventions tout au long de ma carrière qui achevait? Pas du tout! C’était uniquement à cause du minable principe de loyauté envers son employeur ou la loi de Duplessis « Toi, tais-toi! ».

J’avais répliqué du tac au tac à mon directeur-général que, justement, je ne travaillais pas pour Bell et ses actionnaires, mais j’étais plutôt à l’emploi d’un organisme public et que ceux à qui je me devais de rendre des compte étaient tous les contribuables, tous les parents, entre autres, de mes élèves. J’étais résolument déterminé à pousser cette cause très loin, s’il le fallait, pour que mon droit à la liberté d’expression soit hautement respecté. La tentative du directeur-général, poussé par ses cadres qui n’aimaient pas être remis en question dans leurs décisions publiquement et sur ordre des commissaires qui désiraient faire taire une fois pour toutes ce grand blanc-bec, n’était pas du tout innocente. S’ils réussissaient à me faire taire, les autres enseignants comprendraient que le silence se devait d’être la règle d’or pour tout bon enseignant docile comme on les aime. Ce ne fut pas le cas et le tout s’est terminé par une lettre où je reconnaissais que mes propos ne mettaient nullement en cause les compétences de cette directrice des services de l’enseignement. En effet, ce n’était pas ses compétences que j’avais questionnées dans ma lettre ouverte, mais son insensibilité patronale face aux besoins des enfants du préscolaire. Hasard ou non, elle n’était plus à l’emploi de la CSSMÎ lors de mon départ à la retraite.

Ce qui se passe à la CSRDN, c’est du pareil au même. Par cette action, la commission scolaire tente d’une pierre deux coups de mater ces enseignants, mais aussi tous ceux et celles qui oseraient questionner les compétences de leur directeur ou directrice d’école. Pour avoir vécu très intensivement dans ce système public d’éducation pendant plus de 35 ans, je peux reconnaître qu’il peut arriver qu’un enseignant soit en conflit avec sa patronne immédiate, mais pas 26!!! Ces enseignants ont fait de nombreuses interventions pour se plaindre de leur patronne immédiate, mais en vain. Car, par solidarité patronale, il est nécessaire de se serrer les coudes pour mettre au pas ces enseignants indignes, comme s’il ne pouvait pas y avoir des failles dans les compétences d’un patron, alors que c’est normal dans n’importe quel métier ou profession.

Cette semaine, telle une vieille habitude, ces mêmes patrons, y compris le ministère de l’Éducation, tentent, malhabilement comme toujours, de rendre hommage aux enseignantes et aux enseignants du Québec en faisant de la semaine du 5 au 11 février, la semaine des enseignants. La thématique de cette année est « Par leurs mots, leurs gestes, leur passion, les enseignants forment le Québec et son avenir ». N’est-ce pas merveilleux comme programme? Où cela devient malhabile, c’est que lorsque cette semaine est terminée, on ne traite plus les enseignants en professionnels, qu’on les intimide plus ou moins subtilement, qu’on les traite comme de simples subalternes. Je vous reviendrez dans une future chronique pour vous parler du manque de respect de nos autorités scolaires envers les enseignants. Le cas de l’école Sainte-Anne n’est que la pointe d’un iceberg dans les tentatives d’intimider les profs.

Enseignantes, enseignants, prenez cette semaine pendant qu’elle passe. Puis exigez le respect! Exigez d’être traités en professionnels 365 jours par année! C’est vraiment vous qui formez le Québec et son avenir.

Respectueusement…       

Johnny Marre              
 

 
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