Besoin d'amour Imprimer
Johnny Marre
Lundi, 03 Octobre 2011

Une des bases les plus fondamentales de toute société est indéniablement l’éducation. Certes, nos gouvernants ont pour obligation de voir à ce que notre peuple soit en santé. Mais cet objectif étant en grande partie réalisé malgré ses nombreuses ratées, nos élus se doivent de tout mettre en œuvre pour que notre peuple soit le plus instruit possible afin d’assurer notre qualité de vie et notre place dans le concert des nations.

Saviez-vous que la ministre actuelle de l’Éducation au Québec, madame Line Beauchamp, est la 24e ministre appelée à occuper ce poste depuis la création officielle de ce ministère en 1964 ? Si vous calculez aussi bien que moi, vous constatez immédiatement que la moyenne de durée au bâton d’un ou d’une ministre de l’Éducation est d’environ deux ans. S’il y a un domaine où la constance est une donnée fondamentale pour permettre un cheminement scolaire harmonieux de tous les petits Québécois et Québécoises, c’est bien celui de l’éducation. Et pourtant… Petit détail : seulement quatre femmes ont occupé ce poste ! S’il n’y avait encore que ce tourbillon de ministres à la tête du ministère de l’Éducation, ce serait déjà très préoccupant. Ce qui l’est encore plus, c’est le grand manège des réformes de notre système d’éducation depuis près de cinquante ans. De la toute première, celle de la révolution tranquille, avec l’ouverture sur des possibilités beaucoup plus grandes de scolarisation pour tous et la construction des polyvalentes, sans oublier la venue des cégeps, jusqu’à la toute dernière en liste, la fameuse réforme, avec sa pédagogie par projets et ses compétences transversales, les plus importants artisans du quotidien scolaire de nos enfants, les enseignants, n’ont guère eu de répit et d’occasion de se faire respecter et de se faire totalement reconnaître comme des professionnels, ce qu’ils et elles sont à un très haut niveau.

À l’heure, maintenant, où un sauveur de la nation semble se poindre pour répondre à une très grande morosité politique de la population et vouloir donner le « go » pour que l’éducation redevienne la priorité de l’État québécois, il y a lieu de craindre le pire. Les promesses, entre autres, de payer adéquatement les enseignants en échange d’une renonciation à leur sécurité d’emploi et d’une évaluation annuelle pour établir leur paie au mérite, de donner le pouvoir aux parents d’engager leur directeur d’école qui engagera à son tour son équipe d’enseignants, sont autant de germes d’un suicide de notre système d’éducation. Comme si le fait d’avoir déjà été pdg d’une compagnie aérienne donnait le feu vert pour foutre en l’air un système d’éducation qui n’a nullement besoin d’un tel électrochoc, mais bien plutôt d’une grosse dose d’amour!

Saviez-vous que le 5 octobre de chaque année est la journée mondiale des enseignants, journée décrétée par l’UNESCO (Organisation des Nations-Unies pour l’éducation, la science et la culture) ? Cette journée particulière a pour but de leur rendre hommage et de souligner le rôle essentiel qu’ils et elles jouent quotidiennement pour une éducation de qualité à tous les niveaux. Tout comme la semaine des enseignants en février qui existe au Québec, c’est l’occasion de jouer du violon sur leur dos, de sortir l’encens pour tenir des propos élogieux à leur égard, pour reconnaître leur statut de professionnel.

Une fois que ce vingt-quatre heures ou que cette semaine est terminée, le naturel revient très rapidement au galop. Soyons sérieux, deux minutes ! Si, dans les grands discours de la veille, les grands parleurs se sont égarés à parler de professionnalisme, il ne faudrait pas oublier qu’il importe de revenir sur le terrain des vaches (de quelles vaches au juste ?) et de bien suivre les directives de tout acabit du directeur, de la commission scolaire ou du ministère. Au Québec, aucune autre catégorie de professionnels n’est traitée avec autant de mépris. Aucun médecin, avocat, ingénieur, psychologue, alouette n’accepteraient d’être traité comme le sont les enseignants dans la définition de leurs gestes quotidiens. Aucun n’accepterait de se faire dire jour après jour comment il doit d’exercer sa profession. Pourtant, on le fait régulièrement via les administrateurs scolaires de tout niveau pour les enseignants, donc par les gens les plus déconnectés de tout notre système d’éducation.

Car si on respectait, ne serait-ce qu’un seul instant, le professionnalisme des enseignants, on commencerait par assainir l’air de nos écoles en éloignant tous ces administrateurs, certes hautement qualifiés en administration, mais, pour la très grande majorité d’entre eux, de piètres pédagogues. On remettrait le fonctionnement de chaque école entre les mains des enseignants et des parents. Es-tu fou, Johnny ? Pas du tout ! Il n’y a pas une équipe d’enseignants, il n’y a pas un regroupement de parents qui mettront en péril, ne serait-ce qu’une seconde, la vie de leurs enfants, ceux de leur école. L’expérience des quasi cinquante dernières années nous prouve au contraire que nous en remettre à des administrateurs, c’est plutôt cela qui met en péril notre système d’éducation. Et ce ne sont pas des évaluations à la Legault avec des gens versés en administration, mais nullement en pédagogie, que cela va changer le cours des choses.

Mais soyez rassuré ! Cela n’arrivera jamais. Il faudrait avoir des couilles pour le faire, pour reconnaître véritablement le professionnalisme des enseignants. À l’heure où le Québec se cherche une voie d’avenir dans de nombreux domaines, ce que l’école a besoin, ce que l’éducation a besoin, ce que les enseignants ont besoin, c’est d’une grosse dose d’amour. Nous serons trop lâches pour la leur donner. C’est triste à mourir ! À tous les enseignants, mes respects les plus sincères et la reconnaissance de votre professionnalisme avant la fin de vos jours !

Johnny Marre

 
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