Les petits roitelets Imprimer
Johnny Marre
Lundi, 02 Mai 2011

Au moment où plusieurs millions de terriens et de terriennes se sont intéressés à un mariage princier, cela m’a donné l’idée de vous parler d’une autre façade de la royauté ou, plus particulièrement, d’une certaine race de rois. Ici, au Canada, nous nous devons encore et toujours d’être loyaux à cette chère Élizabeth deux d’Angleterre. Entre vous et moi, c’est vraiment une reine très inoffensive. Toutefois, une autre catégorie règne ici, au Québec, et ailleurs, et qui est beaucoup plus dangereuse et préjudiciable pour nous tous. J’ai nommé nos petits roitelets.

Quand j’ai débuté dans l’enseignement, dans mon école, il y avait des enfants qui venaient du quartier le plus défavorisé de la municipalité et d’autres qui venaient du quartier le plus huppé de l’époque. Donc, dans cette école, les enfants des familles les plus riches côtoyaient jour après jour des enfants d’un milieu défavorisé. En six ans de présence comme enseignant dans cette école, pas une seule fois j’ai été témoin ou on m’a rapporté un seul cas d’enfants ou de parents riches qui avaient levé le nez ou méprisaient ceux du milieu beaucoup moins favorisé. Tous avaient le plus grand respect de l’autre. Les vrais riches ne cherchent pas à étaler leur richesse, à écraser les autres ou mettre de l’avant une supposée supériorité. Par la suite, j’ai changé d’école. Dans mon nouveau milieu éducatif, il y avait aussi deux catégories d’enfants, c’est-à-dire issus de deux milieux économiques différents. Il y avait les moins fortunés et les gens plus à l’aise qui habitaient ce nouveau quartier résidentiel où était situé l’école. Plus à l’aise, mais qui avaient plus de difficultés, pour un certain nombre, à payer leurs factures de fin de mois. Plusieurs d’entre eux n’étaient pas riches, même s’ils cherchaient à se donner des airs de riches. On les appelle communément des parvenus. Même si ce n’était pas le fait de la majorité des parents de ce quartier à l’aise, il y en avait suffisamment pour empoisonner le climat de l’école. Un couple de ces parvenus qui se croient supérieurs m’a déjà dit le plus sérieusement du monde que si leur garçon avait des problèmes en classe, c’est qu’il côtoyait des enfants du milieu moins favorisé. Il y en a qui porte très mal la richesse parce que ce sont de faux riches. Point à la ligne.

Avec le pouvoir, c’est la même chose. Les vrais hommes et femmes de pouvoir n’ont pas besoin d’écraser leur entourage pour asseoir ce pouvoir. Leur personnalité, leur richesse humaine, leur partage du pouvoir sont suffisants. Ils et elles n’ont nullement besoin d’écraser leur entourage, d’étaler le fait que ce sont eux les détenteurs de cette possibilité de vie ou de mort d’une certaine façon sur vos demandes pourtant très légitimes. Ce sont des détenteurs dignes qui ont le plus grand respect pour ceux et celles qu’ils veulent avant tout servir et non leur faire sentir qu’ils sont à leur bon vouloir pour mieux imposer leur soit disant supériorité.

Malheureusement, il y a cette seconde réalité qui regroupe un très grand nombre des jouisseux de pouvoir, ces petits roitelets que nous sommes appelés à côtoyer trop souvent, ces petits roitelets qui ignorent le sens premier du mot humanisme. C’est ce cadre scolaire ou municipal qui refuse de reconnaître l’erreur de son administration et de faire preuve de complaisance pour la demande que vous lui faîtes. C’est cette direction d’école qui refuse à un enseignant chevronné d’accueillir un stagiaire parce qu’elle n’a pas apprécié la façon dont l’enseignant s’est opposé à elle lors d’une réunion au préalable. C’est ce médecin qui ne cesse de mettre votre dossier ou votre demande de remplir un formulaire très important pour vous, toujours en-dessous de la pile, parce qu’il n’apprécie pas que vous lui rappeliez le retard toujours plus grand à remplir ses obligations. C’est le petit fonctionnaire, peu importe le niveau, qui vous fait sentir que vous êtes aussi bien de ne pas vous départir de vos gants blancs si vous voulez qu’il consente finalement à vous aider ou à répondre à votre requête pourtant très légitime. Nul besoin d’allonger cette liste. Vous avez déjà la vôtre qui pourrait facilement prendre place dans cette dénonciation de ces petits roitelets.

Tous ces gens ont en commun de détenir un pouvoir, si minime soit-il, et ils ont bien l’intention que cela paraisse. Ils et elles ne veulent surtout pas que l’on conteste leur piètre pouvoir, sinon il pourrait y avoir un prix à payer. Ils et elles ne sont pas là avant tout pour servir, mais pour asseoir jour après jour leur pouvoir. En fait, ils sont tellement insécures qu’ils ne devraient jamais se retrouver avec  la moindre petite parcelle de ce pouvoir parce que tout ce qu’ils réussissent, c’est d’empoisonner la vie des gens qui ont l’obligation de les subir au quotidien ou qui, malheureusement, doivent faire appel à eux pour faire avancer un dossier ou une demande. Un peu plus et on serait porté à les prendre en pitié de vivre avec autant d’insécurité. Gardons-nous quand même une petite réserve parce que les vraies victimes de leur pouvoir arrogant, ce ne sont pas eux au premier chef!

S’il y a des gens avec de l’argent qui supportent difficilement le fait d’être riche, il en va de même pour les détenteurs de pouvoir de tout acabit. Il y en a qui porte très mal de gérer le pouvoir que l’on a bien voulu leur donner. Ce ne sont pas des rois dignes. Ce ne sont que de piètres roitelets dont une société dite évoluée pourrait très bien se passer. Serait-ce rêver en couleurs que cette race se devrait d’être en voie de disparition dans un avenir le plus court possible?

Johnny Marre 

P.S. : Je sens que, dans ma prochaine chronique, il va y avoir beaucoup à dire sur les résultats électoraux du 2 mai. 

 
Joomla SEO powered by JoomSEF