Respirer par le nez Imprimer
Johnny Marre
Lundi, 10 Janvier 2011

Je ne veux surtout pas être nostalgique. Je ne veux pas entrer dans la catégorie des gens pour qui c’était toujours mieux dans leur temps. Même si j’entre officiellement dans l’âge d’or (quel or?) et que je vais commencer à recevoir mes prestations fédérales de la vieillesse, comme ils disent, je me crois parfaitement de mon époque actuelle et même, parfois, en avance sur mon temps. Ceci ne m’empêche pas de constater que si beaucoup de choses ont évolué positivement, il y a d’autres secteurs où l’évolution semble être une notion du passé. Je parle ici de l’accès aux services.

Nous venons de vivre la fameuse période des Fêtes. Pendant plusieurs jours, il était plus que conseillé de n’avoir aucun problème à tous les points de vue. Je ne retiendrai qu’un seul secteur : la santé. Si, pendant cette période de festivités, par malchance, vous avez eu un petit ou un grand problème avec votre mécanique humaine, vous ne veniez pas de décrocher le gros lot. Être soigné rapidement ou avoir accès à son médecin de famille, ça, c’était décrocher le numéro gagnant.

C’est bien sûr que tout ce beau monde a droit de pouvoir profiter pleinement de cette période où la Terre semble arrêter de tourner, non seulement la journée même des grandes fêtes, mais aussi la veille et pourquoi pas le lendemain. Si on ajoute à cela le droit à la fin de semaine, il ne reste presque plus de disponibilités. Le problème, c’est que la Terre n’arrête pas de tourner. Le temps ne suspend pas son vol. La vie continue comme d’habitude. Elle ne sait pas que c’est fête. Elle ne sait pas que ce n’est pas le temps d’avoir des problèmes de mécanique avec son corps. La vie n’a que faire d’un calendrier. Ce n’est pas elle qui a inventé cela.

Les médias étaient nettement en manque de nouvelles durant ce temps des Fêtes. Eux autres aussi fonctionnaient avec du personnel très réduit. Alors, cela faisait vraiment leur affaire qu’il n’y ait pas de catastrophe mondiale ou locale. Toutefois, dès le 3 janvier, dès que le cours normal du travail reprenait tout son sens, on se demandait bien de quoi on parlerait en dehors du sport et de la météo. Le sujet de prédilection s’est imposé comme il se devait : si on parlait de la situation dans les urgences de nos hôpitaux…

Évidemment, on faisait la manchette avec les débordements. Surprise! Surprise? Comment ça être surpris? Quand le personnel est réduit dans les hôpitaux, quand les cliniques ou les CLSC fonctionnent au ralenti, quand notre médecin de famille est parti en vacances, quand ce n’est pas le temps d’être malade, faut-il se surprendre que les urgences soient débordées? Tout ce beau monde respirait par le nez.

En attendant que les politiciens cessent à leur tour de respirer par le nez, il faut nourrir la machine médiatique. Quand on aura plus de nouvelles, on parlera moins des urgences. Ce n’est pas que le problème sera disparu. Au contraire. C’est seulement que notre bouche-trou médiatique sera moins nécessaire. Les débordements à l’urgence, il y en avait avant les Fêtes. Il y en aura après. L’accès véritable aux services de santé, tant pour un spécialiste que pour un médecin de famille, continuera d’être aléatoire, si on n’est pas en danger de mort. Le problème en est un de structures et d’organisation. Tant qu’on ne s’attaquera pas à ce cancer de notre système de santé, la santé sera malade.

Le temps où une infirmière n’était capable que de changer un diachylon ou presque est depuis longtemps disparu. Le temps où les ambulanciers n’étaient que des chauffeurs de camion d’urgence est tout aussi lointain. Il y a belle lurette que les pharmaciens en savent beaucoup plus en médicaments que les médecins. Pourtant, c’est au mini compte-goutte que ces mêmes médecins daignent bien, tel des seigneurs de la santé, déléguer une part de leur travail et de leurs responsabilités aux infirmières, aux ambulanciers, aux pharmaciens.

J’en ai marre de ces êtres, parce qu’ils et elles ont fait de longues études, qui croient avoir le savoir presque divin. Pourtant, nous avons tous vécu des expériences qui nous démontrent qu’ils sont loin d’avoir la science infuse. Comme quoi, du sorcier d’une autre époque au médecin d’aujourd’hui, l’évolution prend du temps à faire son chemin. Si encore ils manquaient de travail, nous pourrions comprendre qu’ils défendent leur gagne-pain. Mais ce n’est pas du tout le cas. Ils et elles ont du travail pour les fins et les fous, comme aurait dit ma grand-mère qui avait un accès de qualité à son médecin de famille.

Il semblerait que les mots délégation, partage des responsabilités, ouverture d’esprit ne fassent pas partie de leur cours universitaire. Ce sont eux les dieux de la santé. Un dieu, c’est fait pour régner. Il faut avoir foi en eux, sinon c’est jouer à la roulette russe. Ils ont toujours comme argument massue que si on commence à déléguer de leur pouvoir de décision et d’action, il y a risque de dérive et que des gens en paient chèrement la note. Comme si ils ne leur arrivaient pas d’en échapper ici et là eux aussi…

Serait-ce rêver en couleurs que de croire qu’une révolution dans notre système de santé puisse se produire en 2011? Serait-ce rêver en couleurs que de voir en 2011 l’ombre du début de descente de piédestal de nos médecins québécois? Serait-ce rêver en couleurs que d’apprendre que dorénavant, à partir de 2011, nous ferons beaucoup plus confiance à nos infirmières, à nos ambulanciers, à nos pharmaciens par une délégation grandement accrue de leur pouvoir de décision et d’intervention?

Si les médecins acceptent de descendre de leur Olympe, ce sont tous les patients québécois qui pourront enfin respirer par le nez.
                                                                                            
Johnny Marre 

 
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