Lors de leur passage à Tout le monde en parle, Johanne Marcotte et Éric Duhaime, deux ex-adéquistes, maintenant principaux porte-parole du Réseau Liberté-Québec, sont venus nous livrer un peu de leurs pensées pour un Québec meilleur. Parmi ces réflexions, fondées sûrement sur une analyse profonde du vécu des Québécois et Québécoises, il a été question du syndicalisme au sein de notre nation.
Johanne Marcotte y est allée d’un jugement on ne peut pas plus tranchant. « Les valeurs syndicales ont souillé la culture québécoise », a-t-elle déclaré le plus sérieusement du monde. Premièrement, de quelles véritables valeurs voulait-elle parler? De solidarité? De recherche d’une plus grande équité dans le partage de la richesse? D’une requête pour une équité salariale? D’une requête constante pour un meilleur système de services publics? En quoi se battre pour ces valeurs a-t-il de quoi souiller notre culture?
Madame Marcotte a fait référence à l’ancienneté, l’infâme ancienneté quand on n’en a pas de par notre contrat de travail. S’il y avait un mécanisme beaucoup plus intelligent et équitable pour tous de contrecarrer les humeurs potentiels d’un patron, il y a longtemps qu’il aurait été adopté par toutes les parties en cause et qu’il serait devenu la norme pour tous les travailleurs, syndiqués ou non. Il faut reconnaître que cela permet de faire du millage politique en dénonçant ce gain syndical parce que certains individus peuvent abuser de cette clause de leur contrat de travail. Ce n’est pas la notion d’ancienneté qui est abusive. C’est ce que certains en font pour ne pas donner leur 110%. Il y a des gens qui abusent de la démocratie et des règles qui la régissent. Serait-ce une raison suffisante pour abolir la démocratie, la moins pire des régimes selon le questionnement du philosophe Platon?
Ça fait toujours bien de dénoncer le syndicalisme, plus particulièrement au Québec où on trouve que sa force dans notre échiquier collectif est trop grande. Trop grande, mon œil! Pour avoir été syndiqué pendant plus de trente-cinq ans et pour avoir œuvré très activement au sein de cette machine, soit celle du syndicalisme enseignant, j’ai plus souvent qu’autrement dénoncé le côté très pantouflard de plusieurs leaders syndicaux, surtout au niveau national. Ne nous leurrons pas! Plusieurs de ces leaders sont des carriéristes du syndicalisme. Ils ne cherchent constamment qu’à protéger leurs arrières à eux, comme beaucoup de politiciens. Rares sont ceux qui sont ou qui ont été de véritables leaders.
Si le syndicalisme est trop fort, alors expliquez-moi pourquoi il a fallu plus de dix ans après l’adoption de la loi sur l’équité salariale pour qu’elle soit vraiment en vigueur au sein de la fonction publique et parapublique du Québec? Pourquoi ne l’est-elle pas encore dans certaines entreprises? Expliquez-moi pourquoi le conflit au Journal de Montréal perdure? Expliquez-moi pourquoi le contrat de travail des infirmières de la FIQ ne vient juste de trouver sa solution? Expliquez-moi pourquoi le syndicat de Shell n’a pas réussi à empêcher la fermeture prochaine de cette raffinerie de Montréal? Expliquez-moi…
À Oka, dans le conflit qui oppose, entre autres, les agriculteurs à la compagnie Niocan pour l’exploitation d’une mine de niobium au beau milieu d’un des jardins du Québec, savez-vous que l’establishment syndical de l’UPA, avec son président en tête, n’a jamais vraiment appuyé financièrement et publiquement le syndicat local? Ce sont des agriculteurs à la base qui ont dû se débattre seuls devant ce Goliath minier et payer pour les coûts énormes qui découlent de contestations juridiques. Ce n’est pas l’UPA qui a fait la lutte. Ce sont des hommes et des femmes d’Oka et de la région qui ont mis leurs trippes sur la table pour résister avec les citoyens à ces investisseurs aux rêves rejetés. Si le syndicalisme agricole était si fort, il y aurait longtemps que Niocan aurait renoncé définitivement à son projet minier.
La CSN, centrale à laquelle est affilié le syndicat des travailleurs du Journal de Montréal, vient tout juste de se réveiller et de lancer une campagne de boycottage du journal-phare de l’empire Québécor. Où était cette centrale pour imposer sa soi-disant puissance depuis bientôt deux ans que dure ce lock-out? Qui est le plus fort? Pierre-Karl Péladeau ou Claudette Carbonneau et la CSN? Qui impose sa ligne de conduite à eux et à d’autres? Poser la question, c’est y répondre.
J’en ai marre de ces haut-le-cœur sur le syndicalisme au Québec. Notre syndicalisme québécois n’est ni meilleur, ni pire, ni plus grand que les autres forces d’intervention sur notre scène publique et politique. Personnellement, je le trouve plus souvent qu’autrement frileux dans ses actions, dans sa mobilisation, dans son leadership pour un Québec meilleur. Il est un rempart important contre les autres acteurs importants, sociaux et économiques, qui ont pour principale qualité ou défaut d’agir discrètement ou avec art dans les coulisses du pouvoir.
Que notre respect accompagne la reconnaissance essentielle du syndicalisme dans notre société, au-delà des erreurs ou de la paresse de certains hommes ou femmes qui l’animent au fil des années!
Johnny Marre
N.B. : Les 4 et 5 décembre prochain, je serai à la table des Éditions Pommamour dans le cadre de l’Exposition des artistes et artisans à l’école Val-des-Monts de Prévost. Venez me dire bonjour et demandez-moi votre exemplaire gratuit de mon livre Coudonc!. Au plaisir de vous y rencontrer! |