J'ai honte à  ma condition d'homme Imprimer
Johnny Marre
Lundi, 01 Novembre 2010

Le 17 octobre dernier, à Rimouski, plus de dix mille personnes ont marché dans le cadre de la Marche mondiale des femmes. Ils et elles ont marché pour réclamer l’égalité réelle entre les hommes et les femmes, ici et ailleurs. Ce mouvement était l’aboutissement au Québec d’un ralliement de 4500 groupes provenant de 150 pays ou territoires. Le tout, souvenons-nous, a ses origines, ici même en terre québécoise, dans la Marche Du pain et des roses, en 1995.

Le slogan de la marche de cette année était « Tant que toutes les femmes ne seront pas libres, nous serons en marche ». Les revendications sont l’autonomie économique, la lutte contre la privatisation et la hausse de la tarification des services publics, la fin de la violence faite aux femmes non seulement physiquement, mais à plusieurs autres points de vue, l’arrêt de la militarisation de notre société, la signature par le Canada de la Déclaration des Nations Unies des droits des peuples autochtones. Qu’y a-t-il de si répréhensible, de si exagéré dans ces demandes? En ce dimanche du 17 octobre, en fin d’après-midi, je lisais un reportage au sujet de cette Marche mondiale sur le site de Radio-Canada. À l’heure où nous pouvons réagir à tous les blogues du cyberespace et aux reportages des sites des grands médias d’information, il y avait déjà 28 commentaires suite à ce reportage. Habituellement, je ne m’attarde pas à lire tous ces commentaires.

Toutefois, mon attention fut attirée par le premier commentaire qui disait textuellement : « Combien va coûter aux contribuables cette grande marche mondiale des femmes à Rimouski? ». Je me suis dit : « Tiens, un mâle frustré! ». Je croyais que c’était un cas isolé. Pas du tout. La très grande majorité des commentaires était fortement teintée de misogynie. Je ne sais pas si on les avait tous lâché lousse en ce bel après-midi automnal. Ce qui est sûr, c’est qu’il aurait été hautement préférable que tous ces mâles en furie aillent prennent une bonne marche de santé tant physique que mental plutôt que vomir ainsi sur les femmes.

Tout y passait. À commencer évidemment avec la Fédération des femmes du Québec dont on déplorait que l’argent des contribuables qui leur était versé était de l’argent mal dépensé et qui ne servait qu’à soutenir une poignée de féministes. Juste dans l’utilisation de ce dernier terme, on pouvait sentir tout le mépris qui s’y rattachait. On essayait de minimiser le nombre de participants à cette marche à partir de chiffres sortis de leur contexte ou qui n’étaient nullement rattachés à la marche. On se permettait même de ridiculiser le choix de Rimouski comme lieu de rassemblement national, allant jusqu’à prétendre que ces féministes cherchaient à manifester loin des grands centres pour mieux se mettre à l’abri.

La cerise sur le douteux sundae était les commentaires de ces hommes qui exigeaient qu’on mette moins le projecteur sur la violence faite aux femmes pour parler enfin de celle faite quotidiennement aux hommes. Comme si l’une et l’autre avaient les mêmes proportions dans notre vécu collectif! Des hommes déploraient également qu’on parle trop des revendications des femmes et si peu du phénomène de l’itinérance. Leur explication résiderait selon eux dans le fait que l’itinérance touche beaucoup plus les hommes que les femmes.

On croirait un discours misogyne d’il y a plusieurs décennies. Bien non! Ces propos sont bel et bien l’expression d’une pensée très actuelle d’une frange importante des mâles québécois. Par leurs propos, ils rabaissent la condition masculine de tous les Québécois. Ils nous entraînent tous dans leur haine et font croire que l’homme au Québec pense ainsi. Ils ne sont guère mieux que tous ces agresseurs ou ces pédophiles. Être homme au Québec, c’est souvent heavy. Pas à cause des femmes! Mais à cause de ces hommes immatures qui sont incapables de s’assumer comme être humain.

C’est pourquoi quand j’enseignais à la maternelle, certains devaient penser que j’étais un pédophile non avoué. J’ai donc dû faire très attention pour ne pas asseoir d’enfants sur moi ou pour en câliner un, comme pouvaient le faire mes consœurs du préscolaire. C’est pourquoi j’ai toujours senti, depuis quelques décennies, le regard inquiet des femmes qui pouvaient me croiser seul sur un trottoir ou dans un lieu désert. Étais-je un agresseur potentiel? Probablement, parce que c’était le message véhiculé par certains hommes.

J’en ai marre d’avoir honte à ma condition masculine à cause de certains qui n’ont pas su évoluer depuis l’âge des cavernes. Avant de vomir sur des femmes qui se battent au quotidien pour améliorer la condition des femmes à tous les points de vue, ces hommes auraient grandement intérêt à s’informer adéquatement, de prendre le temps de réfléchir, si ce n’est pas trop leur demander, et d’être vraiment à l’écoute des problématiques que vivent jour après jour les femmes, parce que ces problématiques sont avant tout celles d’êtres humains.

Messieurs, levez la tête! Cessez de vous regarder le nombril! Ouvrez votre esprit! Les femmes s’en porteront mieux. Les autres hommes, tout autant. Le genre humain en sortira grandi. N’est-ce pas cela vivre humainement?

Que le respect accompagne tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté!


Johnny Marre 

 
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